home > Films > Lingui, les liens sacrés (2021)
Lingui, les liens sacrés (2021)
de Mahamat-Saleh Haroun
publié le mercredi 8 décembre 2021

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 412, décembre 2021

Sélection officielle en compétition au Festival de Cannes 2021

Sortie le mercredi 8 décembre 2021


 


Tourné dans les faubourgs de N’Djaména, au Tchad, le film de Mahamat-Saleh Haroun évoque la lutte d’une mère et de sa fille contre les lois patriarcales et religieuses qui maintiennent les femmes dans l’interdit et la soumission. Amina (Achouackh Abakar Souleymane) vit seule depuis le décès de son mari avec sa fille Maria (Rihane Khalil Alio), âgée de 15 ans. Leur vie est très difficile mais elles se débrouillent, Maria va à l’école et Amina récupère des pneus usagés desquels elle extrait de la ferraille pour fabriquer des fourneaux. Les plans sur les femmes se rendant au marché la tête surmontée de ces fourneaux sont d’une grande beauté. D’ailleurs tous les plans du film sont beaux, la lumière, les couleurs, les cadrages, les plans fixes sur les visages et les silhouettes au loin.


 


 

Capter la beauté des femmes introduit de façon paisible le récit du combat à mener pour leur libération : l’avortement, forcément clandestin car interdit par la loi et la religion musulmane. Maria enceinte ravive le souvenir douloureux d’Amina.
Le film concentre, dans une douceur narrative hors du commun, les obstacles les plus indignes qui entravent la vie des femmes et leur épanouissement sexuel et social. Jusqu’à la trahison du voisin Brahim (Youssouf Djaoro), personnage abject, auteur d’une sordide machination à l’égard d’Amina. Les femmes entre elles sont solidaires, elles se comprennent et se soutiennent dans les épreuves, dans le silence ou dans les chuchotements entre les portes ; elles déjouent les décisions des hommes et leur dissimulent la vérité.


 

Lingui pourrait être un film muet sans aucun dialogue, tout est dit dans l’intensité des regards échangés entre les individus. Une quiétude, une délicatesse rythment le film, alors que le sujet, d’une grande violence, porte sur l’avortement clandestin, les risques post-opératoires, l’excision faite sur les fillettes, autant d’actes d’une gravité extrême pratiqués encore aujourd’hui au Tchad et ailleurs, dans la volonté de contrôle du pouvoir masculin sur les femmes.
Auteur de Grigri en 2013, récompensé d’un prix pour la photo à Cannes, le film de Mahamat-Saleh Haroun affirme, derrière un souffle presque féminin et une bienveillance chaleureuse, une vision sans hypocrisie du patriarcat au pouvoir dans certains pays du monde.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n° 412, décembre 2021


Lingui, les liens sacrés. Réal, sc : Mahamat-Saleh Haroun ; ph : Mathieu Giombini ; mont : Marie-Hélène Dozo ; mu : Wasis Diop. Int : Achouackh Abakar, Rihane Khalil Alio, Youssouf Djaoro (Tchad, 2021, 87 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts