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JC n°412 - décembre 2021

publié le mardi 28 décembre 2021

Couverture : Mathieu Amalric, La Vénus à la fourrure (Roman Polanski, 2013).

Quatrième de couverture : Rien que les heures de Alberto Cavalcanti (1926) - (Robert Delaunay, 1911).

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ÉDITO JC n° 412, décembre 2021

 

Nous n’avions pas fait écho à sa disparition, le 8 mai 2021, et pourtant Jean-Claude Romer avait toute sa place aux côtés de ceux qui furent célébrés dans notre numéro d’été, Jean-Claude Carrière et Bertrand Tavernier. Comme ce dernier, c’était un homme-source, un puits de références sans limites, tous genres confondus : s’il fut d’abord connu, au début des années soixante, comme un spécialiste du cinéma de la marge - à l’origine, avec Jean Boullet, de la revue Midi-Minuit Fantastique  -, aucune pellicule n’échappait à ce cinéphage bien ordonné. Même s’il fit un peu l’acteur pour le plaisir, le plus souvent chez Jean-Pierre Mocky, c’était un homme de l’ombre, de la génération des fichistes, Raymond Chirat - avec qui il signa un précieux Catalogue des courts métrages français de fiction 1929-1950  -, ou Patrick Brion, héros d’une époque où l’art de la filmographie était encore un artisanat. Son plus haut fait d’armes, ce fut d’assurer l’intendance de l’émission télévisée de Pierre Tchernia, Monsieur Cinéma, et de ses versions successives. Il y rédigea, entre 1967 et 1980, 23 000 questions (les plus nombreuses - et les plus pointues - destinées aux épreuves de sélection), sans jamais apparaître sur l’écran. Hommage lui a été rendu par ses amis, au Studio 28, salle historique, le 17 novembre 2021, au cours d’une soirée-souvenir qui remit en lumière ses multiples activités - et qui nous donne l’occasion de ce coup de chapeau tardif, mais sincère (les assidus de la librairie Le Minotaure ne sont plus si nombreux et il convient de saluer tous ceux qui la fréquentèrent).

Autre disparition, le 18 octobre 2021, que regretteront tous les anciens du mouvement qui nous fut cher, celle de Janine Bertrand, présidente d’Inter Film, une des rares fédérations de ciné-clubs encore actives. Elle fut de tous les combats qu’eurent à affronter, au cours des soixante dernières années, les clubs, quelle que soit leur affiliation, FFCC, FLECC, UFOLEIS et Cie. Combats pour la reconnaissance officielle, pour le soutien des donneurs de subventions, pour la simple survie. Elle fut, avec Inter Film, une des compagnes de route de notre Fédération Jean-Vigo créée par Jean & Ginette Delmas et Andrée Tournès, et après sa liquidation, une des fidèles abonnées de la revue Jeune Cinéma. Elle avait 93 ans. (1) Le CNC a déclaré sur son site : "L’esprit des ciné-clubs, qu’elle a réussi à préserver, demeure". Nous sommes heureux de pouvoir croire enfin à la parole de l’Institution.

Le 13e Festival Lumière se conjugue déjà au passé (compte rendu dans le premier numéro de 2022), vive le 14e. Il nous a apporté toutes les satisfactions attendues, permis la découverte en direct des films de Kinuyo Tanaka (pour une fois la revue avait de l’avance sur ses consœurs) et offert la projection d’un chef-d’œuvre, The Power of the Dog de Jane Campion. Chef-d’œuvre aux savants mouvements de caméra dans de superbes paysages filmés en Scope - et réservé, évidemment, aux petits écrans de Netflix. Nous n’avons, hélas, pas fini de pester sur la mainmise de l’hydre de Los Gatos, Californie. Mais jusqu’à quand pourrons-nous nous abstenir de prendre en compte ses productions ou celles d’Amazon Prime ou Disney+ ? Comment les exploitants de salles ont résisté au déferlement du streaming via les multiples plateformes, c’est ce que les chiffres annuels nous révèleront bientôt. Au su des quelques rumeurs saisies au passage, le bilan risque de n’être que peu glorieux - à moins que la canonnade West Side Story, dans un dernier soubresaut de résistance, ne constitue quelque divine surprise.

Par bonheur, si le cinéma qui se fait ne comble que parcimonieusement nos attentes - comment jugera-t-on dans vingt ans la cuvée cannoise, pourtant ce que l’on a pu apprécier de meilleur cette année ? -, il demeure quelques recoins de l’Histoire du cinéma qu’il importe encore d’explorer, comme ce numéro en témoigne.
Ainsi, la remise à portée de main des films de Morris Engel & Ruth Orkin, qui montrent que les inventions formelles de la Nouvelle Vague ne devaient rien à la génération spontanée.
Ainsi, le premier volet (mais l’importance du sujet vaudrait un volume entier) d’une étude sur les symphonies urbaines qui firent florès dès les années 20, lorsque les cinéastes se mirent à arpenter leurs villes caméra en main et surent en capter l’existence - et l’essence.
Ainsi, le coup de projecteur sur Erich Wolfgang Korngold, compositeur inspiré et oublié (mais quel spectateur se soucie du nom du créateur de la bande musicale d’un film ?).
Ainsi, l’édition par Lobster Films (mais ce sera dans notre numéro suivant) d’un coffret comprenant neuf titres muets de Julien Duvivier. Pour les avoir découverts en grandeur réelle, il y a quelques mois, grâce à la Fondation Seydoux-Pathé (la meilleure salle de Paris, répétons-le), on peut affirmer qu’il s’agit là de l’événement du trimestre.

L’édition de cinéma se porte bien, merci, il suffit de constater le gonflement de la rubrique qui recense les livres reçus. D’autres n’ont pas été traités, ils le seront après avoir été lus - recopier le prière d’insérer ne fait pas partie de nos pratiques.
En attendant, voici quelques titres qui pourront constituer, en cette période, des cadeaux pour les amateurs : Camille Legrand, un opérateur Pathé sur la route des Indes de Jitka de Préval chez Riveneuve, Philosophie politique du western de Robert B. Pippin aux édition du Cerf, Darry Cowl raconté par ceux qui l’ont aimé de Rolande Darricau-Kalis chez Riveneuve, Movie Journal de Jonas Mekas chez Marest. De quoi tenir, en bonne compagnie, jusqu’à la prochaine vague.

Lucien Logette

1. Nous apprenons à l’instant la mort, le 9 décembre 2021, au même âge, de Lina Wertmüller, la réalisatrice italienne de Film d’amour et d’anarchie (Film d’amore e d’anarchia, ovvero ’stamattina alle 10 in via dei Fiori nella nota casa di tolleranza...’ en 1973 et de D’amour et de sang (Fatto di sangue fra due uomini per causa di una vedova - si sospettano moventi politici) en 1978. Toute sa filmographie est un poème, sur lequel nous reviendrons dans le prochain numéro.



 

SOMMAIRE JC n°412, décembre 2021

 

Cinéma français
 

* Mathieu Amalric, vingt-cinq ans de cinéma, par René Prédal.

Festivals
 

* Cinémed Montpellier 2021, par Alain Souché.
* Cinéma britannique Dinard 2021, par Nicole Gabriel.

Patrimoine
 

* Inferno 29 = Les détours du moindre geste, par Jean-Paul Combe & Vincent Heristchi.
* Morris Engel & Ruth Orkin, indépendants new-yorkais, par Francis Guermann.
* Family Life de Ken Loach, cinquante ans déjà, par Bernard Nave.
* Il était une fois…les Symphonies urbaines, par Daniel Sauvaget.

DVD
 

* Glanures DVD, D’Albert Lewin à Claude Chabrol, par Philippe Roger.
* Pietro Germi, Au nom de la loi, par Lucien Logette.

Cinéma et Histoire
 

* Andreï Konchalovsky, Chers camarades, par Jean-Michel Ropars..

Chercheurs et Curieux
 

* Pour saluer Korngold, par Claude Gauteur.

Actualités
 

* Ailleurs, partout, par Gisèle Breteau Skira.
* Un endroit comme un autre, par Nicole Gabriel.
* Bad Luck Banging or Loony Porn, par Jean-Max Méjean.
* La Fièvre de Petrov, par Jean-Max Méjean.
* L’Homme qui penche, par Nicole Gabriel.
* Las Mots de Taj, par Gisèle Breteau Skira.
* Lingui, les liens sacrés, par Gisèle Breteau Skira.
* Los lobos, par Jean-Max Méjean.
* Noël et sa mère, par Hugo Dervisoglou.
* Liban 1982, par Hugo Dervisoglo.u
* Tilo Koto, par Gisèle Breteau Skira.
* Arthur Rambo, par Bernard Nave.
* La Panthère des neiges, par Hugo Dervisoglou.
* Ziyara, par Jean-Max Méjean.
* Le diable n’existe pas, par Sylvie L. Strobel.

Reprises
 

* Neige, par Hugo Dervisoglou.
* Umberto D, par Nicole Gabriel.

Livres
 

* Christelle Reggiani, Perec et le cinéma, par Jean-Max Méjean.
* Jean-Claude Lebensztejn, Propos filmiques, par Nicole Gabriel.
* Axel-Huyghe & Arnaud Chapuy, Le Saint-André-des-Arts, par Lucien Logette.
* Véronique Bergen, Portier de nuit de Liliana Cavani, par Jean-Max Méjean.
* Noël Herpe, Les films me regardent, par Lucien Logette.
* Claude Forest, Andrée Davanture, la passion du montage, par Claudine Castel.
* Angel Quintana, Dylan et le cinéma, par Lucien Logette.
* Katalyn Por, Lubitsch à Hollywood, par Patrick Saffar.

Nécrologies
 

* Melvin Van Peebles (1932-2021), par Gérard Camy.
* Micha Bayard (1930-2021), par Lucien Logette.

Humeurs
 

* Avant le film, par Bernard Chardère.



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