Annecy italien 2009 I
publié le mercredi 7 janvier 2015

Annecy italien 2009, 29 septembre-6 octobre 2009, 27e édition

par Marceau Aidan
Jeune Cinéma n°328 décembre 2009

L’idée persistante selon laquelle le cinéma italien est mort, puis ressuscité, ou devenu appauvri, sans ligne de force, est aberrante et totalement étrangère à la réalité.
Il faut s’informer, voir les films, pour s’apercevoir très rapidement que le cinéma italien est bien toujours présent dans sa diversité avec ses "anciens", que nous aimons tant, et des jeunes réalisateurs accomplissant souvent un travail de qualité.
Bien mieux, ce cinéma se renforce au fil des ans par sa créativité, ses scénarios pleins d’imagination, servis par nombre d’acteurs souvent excellents, où on retrouve les préoccupations de la société italienne d’aujourd’hui, avec son lot d’ouverture et de contradictions.
Pour bien apprécier ces qualités, il fallait se rendre aux 27e Rencontres Cinéma italien d’Annecy.

Velma, premier long métrage de Piero Tomaselli nous transporte au bord de la lagune vénitienne, où vit le Capitaine, un vieux pêcheur, personnalité entière, entouré de quelques personnages, quelque peu caricaturaux, comme Giona, le carabinier de service, et Manuel, un jeune homme que l’on dit attardé.
Le film hésite entre réalisme, avec l’approche du quotidien des habitants de l’île Sant’Andrea, et une certaine touche poétique, quand apparaît Velma, une jeune fille surgie des fonds marins, et qui emportera avec elle, dans le calme de la lagune, le vieil homme sans avenir.

Sbirri (Flics) de Roberto Burchielli (Prix du public), est un thriller sur le problème de la drogue.
Matteo Gatti (Raoul Bova interprète principal et producteur du film) est grand reporter à la télévision, couvrant en particulier l’intervention américaine en Irak. Après avoir vécu les horreurs de la guerre, il est entraîné dans une aventure douloureuse, chez lui, à Milan, dans l’angoisse et la culpabilisation, et mène une véritable enquête aux côtés de la police avec ses méthodes de journaliste de terrain. Il essaie de comprendre la mort de son jeune fils à la suite d’une overdose d’ecstasy, s’interroge sur son attitude de père absent, dépassé par l’ampleur dramatique des événements. Le film brasse le problème des jeunes, le rôle des parents, de l’éducation, et l’insoluble question du trafic de drogue.

Diverso da chi, d’Umberto Carteni, se place sur un autre registre plus souriant.
Comédie enlevée, avec tous les éléments du genre, menée rondement par Luca Argentero (Piero) en candidat de centre gauche lors d’élections municipales à Trieste. Piero, militant gay vivant avec Remo (Filippo Nigro Prix d’interprétation masculine), affrontera toutes les embûches du parcours du combattant-candidat, en lien avec Adele (Claudia Gerini), belle femme au caractère bien trempé, prônant le retour à la famille traditionnelle, mais qui changera vite d’avis, subjuguée par le charme du futur maire. Le film n’est pas seulement divertissant, il aborde les questions de la politique locale en Italie, mais montre également que l’amour n’a plus de frontière dans le choix de sa sexualité.

Parmi les sujets posant problème dans les sociétés occidentales, l’émigration et ses prolongements interviennent régulièrement dans les scénarios italiens depuis plusieurs années.

Ainsi Claudio Noce avec son premier long métrage Good Morning Aman, suit le parcours d’Aman, jeune Italien d’origine somalienne, vivant depuis toujours à Rome, travaillant normalement comme tout citoyen italien. Sa rencontre avec Terry (Valerio Mastandrea, toujours excellent), ancien boxeur déchu, au passé trouble, brisé, désabusé, qui deviendra son ami silencieux, sera d’un apport décisif pour lui. Les deux hommes se retrouvent dans leur solitude, dans leur difficulté à vivre dans une société qui les marginalise.

Les deux films les plus réussis

La bella gente d’Ivano De Matteo (Grand Prix, Prix CICAE) décrit comment un geste de solidarité peut masquer une profonde erreur de jugement. Susana, la cinquantaine dynamique (Monica Guerritore), heureuse avec un agréable mari, une maison de campagne, ouverte aux choses du monde, s’occupe dans un centre social des femmes battues. Dans sa volonté de faire le bien, de protéger les femmes de la violence masculine, elle recueille une jeune prostituée venue d’Ukraine. L’arrivée de cette dernière, provoquera la déstabilisation du clan familial et marquera les limites de l’élan de générosité initiale. Le film, au rythme soutenu, en lien avec l’activisme pseudo-humanitaire de Susanna, dénonce avec justesse cette hypocrisie de l’assistance à tout prix.

De la La Pivellina de Tizza Covi et Rainer Frimmel (Prix spécial, Prix d’interprétation féminine), Jeune Cinéma a déjà parlé de belle façon (n°324-325).
Une petite fille perdue dans un parc, aux abords de Rome, est recueillie par des gens du voyage de condition modeste, chaleureux, simples, d’une bonté sans limite. Le film est interprété par des acteurs non-professionnels dans leur propre rôle, dont Patrizia Gerardi, formidable Patti, recueillant la petite Asia (la Pivellina, enfant en dialecte romain) et devenant sa nouvelle mère, attentive et aimante. Asia vivra aux côtés de ces marginaux malgré eux, au sein d’une communauté aux qualités humaines fortes : fraternité , approche chaleureuse de l’autre, entraide et assistance sans compter.

Marceau Aidan
Jeune Cinéma n°322-323 printemps 2009

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