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Un giorno devi andare (2013)
de Giorgio Diritti
publié le samedi 10 janvier 2015

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°358 mars 2014

Sélection du festival Sundance 2013
Sélection du festival d’Annecy italien 2013

Qu’est-ce qui pousse un être, en l’occurrence une jeune et belle Italienne, à larguer les amarres pour se retrouver plongée dans un monde totalement divers ?

Augusta vient de perdre un enfant en couche et sait qu’elle ne pourra plus en avoir. Son mari l’a quittée à la suite de cette tragédie. Elle a rejoint sa tante, sœur Franca, qui sillonne l’Amazonie en bateau visitant des villages indiens dont les habitants sont livrés aux sollicitations de missionnaires évangélistes, de promoteurs aux propos racistes, aux nouveaux colonisateurs.

Dans ce trajet au cœur de paysages d’une beauté essentielle, Augusta (un nouveau grand rôle pour Jasmine Trinca) se retrouve confrontée à une autre dimension de l’existence, de son existence.
Ce qu’elle découvre, les discussions avec sa tante, la conduisent à voir le monde et sa place dans ce monde sous un autre jour. Son voyage devient alors une véritable expérience vitale dans laquelle tout s’entremêle : le réel, le spirituel, le social, le sensoriel.

Giorgio Diritti avait déjà parcouru cette Amazonie dans son premier film, un documentaire : Con i miei occhi (2002). Cf. JC n°350-351.
Ici, il filme la nature avec un sens du cadre, des mouvements de caméra, un travail sur le son qui sont un hymne à la beauté de la nature, à une forme de transcendance à laquelle Augusta se trouve confrontée, tout comme le spectateur.

Au bout du fleuve, une fois qu’elle a quitté sa tante, elle plonge dans une réalité toute différente, celle de Manaus et de ses favelas.

Le film prend alors un tour plus politique, sans qu’il y ait pour autant de rupture dans le propos général, car il s’agit d’un nouvel épisode dans l’apprentissage d’une autre vie pour Augusta.
En même temps, tout la ramène à ce qu’elle a vécu auparavant, comme la mort d’un enfant dans l’inondation de la favela. Elle finit par rétablir un lien fragile (par Skype) avec sa mère qui vit à Trente (interprétation toute en nuances d’Anne Alvaro) et dont elle s’était coupée avec son départ pour l’Amazonie.

La manière dont Diritti conjugue les enjeux personnels et universels de son film prend toute sa dimension dans un long finale d’une rare densité.
Augusta repart seule dans la forêt.
Claudia est retournée dans sa maison mère, le sanctuaire de San Remedio dans les montagnes du Trentin, emmenant avec elle une jeune femme indienne qui veillera sur les derniers jours de la grand-mère d’Augusta et dira sur sa dépouille un texte d’une beauté stupéfiante, une prière en forme de poème.
Un jeune couple apporte à manger à Augusta dans sa solitude, leur tout jeune enfant joue avec elle sur la plage. Ils repartent dans leur frêle embarcation qui disparaît sur l’immensité de l’eau, la laissant seule lovée au creux d’un arbre majestueux.

Un giorno devi andare marque une continuation dans les thèmes déjà abordés dans les films précédents de l’auteur : place de la nature, personnages en rupture, place des femmes, interrogations sur le présent et le devenir de l’humanité.
On y retrouve aussi une approche du cinéma qui privilégie une esthétique dans laquelle le beau n’est pas une recherche formelle mais un élément intrinsèque dans l’art de regarder le monde et les êtres humains.

Ce qui est nouveau, c’est la dimension spirituelle, un sens du religieux au sens large du terme qui dépasse ce que les quelques scènes dans le sanctuaire de San Remedio nous renvoient du catholicisme.
Ici, la vraie transcendance se trouve dans une vision magnifiée de la nature amazonienne, bien plus belle que celle des films de reportage.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°358 mars 2014

Un giorno devi andare (Un jour tu dois y aller). Réal : Giorgio Diritti ; sc : G.D., Fredo Valla et Tania Pedroni ; mu : Marco Biscarini et Daniele Furlati ; ph : Roberto Cimatti. Int : Jasmine Trinca, Anne Alvaro, Sonia Gessner, Pia Engleberth, Federica Fracassi, Amanda Fonseca, Paulo De Souza, Nilson Trindade Miquiles (Italie, 2013, 109 mn).

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