Broadway est le premier long métrage du trentenaire hellène Christos Massalas, diplômé de la London Film School, dont les courts métrages ont été primés dans plusieurs festivals. Cette fiction a été coproduite par trois sociétés européennes : Neda Film (Grèce), Digital Cube (Roumanie) et Blue Monday Film Productions (France).

"Broadway" désigne, non l’artère principale de la ville, mais un complexe abandonné du centre urbain que rien, a priori, ne permet de localiser. Il s’agit d’une cité des arts, telle que rêvée par les édiles politiques, sur le modèle de Cinecittà, semblable à la Cité du Cinéma d’un Luc Besson, n’ayant pas su se reconvertir dans la pub, les shows ou les séries télé, ayant fait faillite depuis lurette.

Elle avait pourtant tout pour satisfaire les besoins en loisirs et en plaisirs d’une société dite développée. La salle de théâtre est maintenant passablement délabrée ; les costumes des artistes, encore scintillant de toutes leurs paillettes, sont les vestiges palpables d’une splendeur passée ; une immense terrasse ayant fait office de cinéma en plein air équipé d’un écran panoramique est désormais dépeuplée et démeublés, telle un cinéma "Paradiso".

Le lieu est maintenant squatté par des marginaux de tout poil, de tout genre. Un faux jeune aux cheveux blancs y côtoie un couple gay et attendrissant, formé de Rudoph et de Mohammed. Un personnage plus âgé, un peu inquiétant sur les bords, surnommé "le Serrurier", est le gardien des lieux, pour ne pas dire des enfers. Une petite guenon atteinte de la rage, baptisée Lola, en référence, c’est probable, à L’Ange bleu, cohabite dans ce phalanstère. Le personnage principal du phalanstère est féminin, comme nombre d’héroïnes antiques. Son passé lui revient, qui nous est restitué sous forme de flashbacks. Broadway, lieu de tous les risques, est pour elle un refuge où elle trouve à la fois amour et protection.

Le récit mélange plusieurs genres : thriller, romance sentimentale, document social sur la jeunesse, film de ville. Nous passerons sur les péripéties, l’anecdote et les citations cinématographiques obligées (une danseuse de cabaret tirée de son pétrin, et de son patron, par un individu ne valant somme toute pas mieux, exerçant le vieux métier de voleur ; un personnage invisible à qui appartiendrait la moitié de la ville, d’après la légende, sorte de Mabuse qui exercerait son contrôler de manière occulte ; la rue, par principe sans joie, devenant un personnage à part entière en même qu’un théâtre ouvert à la danse et au happening impromptu.

Comme tous les premiers films, le film présente quelques points faibles : une rythmique un peu alanguie, deux-trois répétitions, sans parler de la BO musicale emphatique. Cependant, la distribution est épatante, les physiques sortent de l’ordinaire et des canons de la beauté convenus. Nous qui croyions connaître la Grèce et Athènes avons été agréablement surpris de découvrir des aspects insolites de la capitale. D’autant que rien de la crise prolongée actuelle ne nous est celé. Christos Massalas nous épargne le folklorique, le touristique, le sirtaki, la Plaka et même le rebétiko - sujet rebattu s’il en est. La seule fois où l’on voit le Parthénon est le beau plan final.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma en ligne directe

Broadway. Réal, sc : Christos Massalas ; ph : Konstantinos Koukoulios ; mont : Yorgos Lamprinos ; mu : Gabriel Yared ; cost : Marli Aleiferi. Int : Elsa Lekakou, Foivos Papadopoulos, Stathis Apostolou, Rafael Papad, Pantelis Dentakis (Grèce-France-Roumanie, 2021, 97 mn).