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Je tremble, ô matador (2020)
de Rodrigo Sepulveda
publié le mercredi 15 juin 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°416, été 2022

Sortie le mercredi 15 juin 2022


 


Ce film puissant est une réflexion sur l’histoire récente du Chili, maintenant qu’une jeune majorité démocrate est arrivée au pouvoir, mais aussi une réflexion sur l’amour, sur l’engagement et sur le travail de l’acteur. Ici, en effet, dans le rôle d’un travesti vieillissant et amoureux d’un jeune révolutionnaire, le très célèbre Alfredo Castro donne l’entière mesure de son talent. Inspiré du roman éponyme du militant homosexuel cubain, Pedro Lemebel, ce film de Rodrigo Sepulveda ressemble au cinéma de Pedro Almodovar au moment de la Movida, c’est-à-dire un cinéma qui n’avait alors pas peur de la provocation, ni de la vérité, ni même de la laideur.


 

Dans un Santiago dévoré par le fascisme de Pinochet, de jeunes activistes préparent un attentat contre le dictateur. Un soir, alors que la police débarque dans le cabaret de travestis où il se produit - l’homosexualité est alors sévèrement réprimée au Chili -, La Loca, en tentant de se cacher, rencontre Carlos dont il tombe profondément amoureux, et pour lequel il accepte de cacher des documents et des armes pour la lutte anti-Pinochet.


 

Le réalisateur s’en explique : "Il s’agit d’une histoire d’amour particulière en raison du contexte politique et de l’environnement dans lequel elle se déroule. Les deux personnages principaux vivent dans le secret : Carlos est un guérillero, La Loca est homosexuel dans un pays où l’homosexualité est illégale. Mon intention était de faire ressentir qu’ils vivent chacun dans un monde soumis à l’isolement, qu’il s’agisse de l’espace intérieur de La Loca ou de l’espace social d’un pays vivant sous une dictature".


 

C’est sur ce point que le film est très émouvant, car il parvient aussi à instaurer un dialogue entre deux personnes que tout oppose, y compris leurs modes de vie et leurs orientations sexuelles, pour en faire un chant d’amour désespéré.
Et c’est ici qu’il devient vraiment almodovarien, au sens pur du terme, aidé par la chanson lamento qui donne son titre au film et au livre, et que Rodrigo Sepulveda illustre dans une séquence où on l’entend in extenso, lors d’une halte dans une forêt pendant laquelle La Loca comprendra tout ce que Carlos attend de lui et tout ce qu’il espère de lui en retour.


 

Une danse magnifique qui aurait pu virer grotesque, mais qui fait bien mesurer toute l’ampleur de l’amour dans ce qu’il a de plus libre et de plus généreux.
On retrouvera cette même ambiance à la fin lors de la séquence au bord de la mer, sans savoir si, finalement, La Loca choisira de rester au pays ou de suivre Carlos au Mexique.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°416, été 2022


Je tremble, ô matador (Tengo miedo, torero). Réal : Rodrigo Sepulveda ; sc : R.S. & Juan Elias Tovar d’après le roman de Pedro Lemebel (2001) ; ph : Sergio Armstrong ; mont : Pepe Mota ; mu : Pedro Aznar. Int : Alfredo Castro, Leonardo Ortizgris, Julieta Zybelberg, Amparo Noguera (Mexique-Argentine-Chili, 2020, 93 mn).



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