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I’m Your Man (2021)
de Maria Schrader
publié le mercredi 22 juin 2022

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°416, été 2022

Sélection officielle de la Berlinale 2021.
Prix de la meilleur actrice pour Maren Eggert

Sortie le mercredi 21 juin 2022


 


Maria Schrader a déjà réalisé Stefan Zweig, Adieu l’Europe (2016) dans lequel elle décrit les dernières années du célèbre écrivain autrichien, en exil en Amérique de 1936 à 1942. En 2019, elle réalise, pour Netflix, la série à succès Unorthodox, d’après un roman de Deborah Feldman, histoire d’une jeune femme juive ultra-orthodoxe, fuyant la communauté hassidique new-yorkaise. Elle filme cette fois une comédie, dans le style screwball des années 30, mais pour décrire une situation des plus angoissantes.


 

Maria Schrader et son scénariste Jan Schomburg s’inspirent de la nouvelle Ich bin dein Mensch de Emma Braslavsky pour imaginer un homme-machine. À une époque où les algorithmes rythment nos vies, nos choix et nos amours, cette histoire d’une jeune femme qui finit par tomber amoureuse du robot masculin qu’on lui a prêté pour qu’elle le teste et qui doit la rendre heureuse à tout prix, est une belle métaphore de l’avenir qui nous attend.


 

Dans Sayonara, en 2015, le réalisateur japonais Kôji Fukada racontait une histoire post-apocalyptique mettant en présence deux femmes dont l’une était interprétée par l’androïde Geminoid F. Le film était réussi et très angoissant car imaginant des accidents nucléaires à répétition. Ici, le propos est peut-être plus léger, et le robot est interprété par un vrai humain, Dan Stevens, mais le résultat est tout aussi inquiétant.


 

Quel est l’avenir de l’amour dans un monde où tout est calculé, prévisible et manipulé ? La réalisatrice s’explique sur ses intentions : "Le point de départ est une nouvelle, qu’on m’a présentée très simplement : une femme rencontre un robot. Le schéma ’Boy meets girl’ devenant ’Girl meets a robot-boy’. C’était suffisant pour susciter mon intérêt".


 

I’m Your Man se situe dans une ambiance aux images magnifiques, dues à Benedict Neuenfels. Tout comme les décors de Cora Pratz créent des intérieurs à la fois feutrés et désinvoltes où les robots qui rendent heureux ne devraient pas avoir leur place. Ce film est en fait glaçant et froid comme l’acier parce que, justement, il se veut l’envers du décor d’un monde où le bonheur des gens serait fabriqué par des algorithmes et des humanoïdes déshumanisés. Tomber amoureux de ces machines serait aussi terrible que d’aimer les chaînes qui nous entravent. Malgré son happy-end (imposé ?), le film est impitoyable envers le genre humain, décidément trop romantique et naïf. Si Alma déconseille dans son rapport la commercialisation de robots comme Tom, c’est parce qu’elle craint qu’ils deviennent tellement altruistes, civilisés et pacifiques, donc indispensables et supérieurs, que, tôt ou tard, ils rendent l’humanité obsolète.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°416, été 2022


I’m your Man (Ich bin dein Mensch). Réal, sc : Maria Schrader ; sc : Jan Schomburg d’après une nouvelle de Emma Braslavsly ; ph : Benedict Neuenfels ; mont : Hansjotg Weissbrich. Int : Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller (Allemagne 2021, 105 mn).



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