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Huit fois debout (2010)
de Xabi Molia
publié le vendredi 16 janvier 2015

par Jean-Max-Méjean
Jeune Cinéma n°329-330, printemps 2010

Lorsqu’on tombe sept fois, on est finalement plus souvent debout que cloué au sol.

C’est ce qui arrive à nos deux personnages dans cet étrange film qui est autant une histoire d’amour qu’un constat social.

Premier long métrage d’un très jeune auteur de 31 ans, servi par deux acteurs au mieux de leur jeu (Julie Gayet et Denis Podalydès), Huit fois debout traite du chômage, mais surtout des conséquences de la perte.

Elsa, à la recherche d’emploi et qui exerce de petits jobs au noir, est dans la double perte : celle de son couple et de son fils de 11 ans, et celle de son travail.
Le film commence au moment où elle va, en outre, perdre son appartement.
Prise dans un engrenage, elle risque de perdre son être social, tous ses repères et peut-être sombrer dans la folie. Elle rencontre fortuitement son voisin, Mathieu qui, lui aussi, perd son travail puis, pris dans la même spirale, son appartement. Il finira par vivre d’enquêtes de rue en habitant une tente dans les bois qu’Elsa ne voudra pas partager avec lui de peur de finir complètement asociale.

Xabi Molia va plus loin que le simple constat de l’horreur économique qui nous menace.
Il dépeint un monde où la lutte pour la survie devient de jour en jour plus cruelle, avec son côté parfois absurde (voir les séquences des entretiens d’embauche).
On sent chez lui un amour pour les losers qu’il ne filme pas comme les autres personnages mieux intégrés, l’ex-compagnon d’Elsa ou sa nouvelle compagne.
Il avoue dans le dossier de presse qu’il n’aurait jamais pu exercer un métier contraignant car l’entreprise, avec ses modèles et ses codes, l’angoisse. Mathieu et Elsa sont à son image : malgré leur bonne volonté, ils n’ont pas les clés pour vivre dans notre société et y observer tous les rites. Mathieu tire à l’arc, tel un Robin des bois pacifique, Elsa ne sait comment être mère, et quitte brutalement ses divers emplois tout en caressant le rêve bien modeste d’être engagée comme caissière de supermarché.

Le cinéaste a compris le fonctionnement de notre société anxiogène qui conduit à la neurasthénie ou à la perte d’identité, illustrant peut-être sans le savoir ce constat de Paul Lafargue dans Le Droit à la paresse : "Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit".

Jean-Max-Méjean
Jeune Cinéma n°329-330, printemps 2010

Huit fois debout. Réal, sc : Xabi Molia ; ph : Martin de Chabaneix ; mont : Sébastien Saraillé ; mu : Hey hey my my. Int : Julie Gayet, Denis Podalydès, Mathieu Busson, Kevyn Frachon, Constance Dollé (France, 2010, 103 mn).

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