À Santiago, dans les débuts très répressifs de la dictature de Pinochet, Carmen est bien intégrée au nouveau régime. Elle est très occupée à choisir les nuances de rose pour les peintures de la maison de campagne qu’elle rénove. Son mari lui aussi est très occupé à l’hôpital, les enfants circulent à l’occasion des vacances.

À la demande de son ami prêtre, elle accepte de soigner un jeune homme blessé lors de son évasion d’une prison, qu’il héberge clandestinement. Elle ment un peu à son mari médecin pour qu’il lui rapporte quelques antibiotiques de l’hôpital, "pour des jeunes filles dont l’avortement s’est compliqué". Cette transgression est avouable pour cacher le délit tellement plus grave de soutenir un militant.

Carmen et le jeune homme se parlent. Elle s’engage un peu plus dans son soutien, elle perd sa carte d’identité dans un lieu où elle n’avait rien à faire...

Manuella Martelli est une actrice à succès, formée au théâtre à l’Université catholique du Chili. Depuis 2015, elle a tourné 3 courts métrages et Chili 1976 est son premier long métrage. Elle a déclaré être intéressée par "le fait de pénétrer dans l’espace domestique sous la dictature, pour observer comment ce qui se passait dans l’espace public était perçu".

C’est un de ces films différés qui veulent montrer les situations politiques de façon incidente, la perception de cette majorité de citoyens non directement engagés qui ne souffrent pas, voire qui profitent de la dictature, mais peuvent se trouver embarqués dans sa cruauté. En réalité, on situe mal l’héroïne de Manuella Martelli, parce qu’on a du mal à croire qu’une citadine, adulte en 1973, soit restée en marge de la situation.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°416, été 2022

Chili 1976 (1976). Réal : Manuela Martelli ; sc : M.M. & Alejandra Moffat ; ph : Soledad Rodríguez ; mont : Camila Mercadal ; mu : Mariá Portugal. Int : Aline Küppenheim, Nicolás Sepúlveda, Hugo Medina, Alejandro Goic, Carmen Gloria Martínez, Antonia Zegers, Marcial Tagle, Gabriel Urzúa (Chili, 2022, 100 mn).