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Bleu du caftan (le) (2022)
de Maryam Touzani
publié le mercredi 22 mars 2023

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2022

Sortie le mercredi 22 mars 2022


 


L’histoire se passe dans un atelier de couture de caftans traditionnels, situé dans la médina de Salé, non loin de Rabat, tenu par un couple déjà âgé, Halim (Saleh Bakri), homosexuel non déclaré, et sa femme Mina (Lubna Azabal). Lorsque Mina tombe gravement malade, Halim est secondé par Youssef (Ayoub Missioui) un bel et jeune apprenti.


 


 

Une histoire d’amour va naître au sein du trio, inédite, singulière et humaine qui, dans la vie silencieuse de l’atelier et des travaux d’aiguille, tisse au rythme de l’avancement de la commande du caftan, une relation passionnelle où la vie côtoie l’amour et la mort.


 

Sensible aux individus et à leur existence parfois difficile, Maryam Touzani réalisatrice marocaine, s’intéresse à la diversité des vies dans les sociétés - voir ses premiers courts métrages Quand ils dorment (2012) et Sous ma vieille peau (2014), et, en 2019, son premier long métrage, Adam (1).
Moins répressif que d’autres pays arabes, le Maroc n’est pas pour autant un exemple de liberté sexuelle, l’homosexualité y est passible de six mois à trois ans de prison. Et dans cette peur permanente d’être surpris, les homosexuels sont contraints de vivre cachés, seules les visites aux hammams leur ouvrant quelques amours clandestines. Il y a dans le film une volonté de montrer la réalité des faits, crûment et sans détour, le cancer de Mina, les visites régulières d’Halim au hammam... Même si cela semble sinistre et impossible dans un tel régime, cela existe, en dehors de la répression.


 


 

Cinématographiquement, l’éclosion de la possibilité d’un nouvel amour avec l’apprenti se déroule dans une lenteur timide, sans bruit, sans mot, juste de brefs regards furtifs entre les hommes, une écoute attentive de l’apprenti face au maître, un toucher de tissus et parfois un frôlement de mains. De jour en jour, un nouvel équilibre amoureux se construit entre les trois personnages. Puis Mina refuse de se faire soigner ; pressentant l’éloignement amoureux d’Halim, elle renonce à la vie pour laisser la place à Youssef. Au sein du trio, les sentiments, nombreux et contradictoires, se bousculent : mensonge, jalousie, désir, rejet, attachement, tendresse, générosité.


 


 

Et puis, il y a le métier de tailleur. Le maalem est celui qui détient la connaissance ; dans le film, c’est le travail de broderie du caftan, le caftan bleu. On trouve là un accent documentaire, par l’observation d’une profession devenue rare, celle du tailleur de robes marocaines à broderies artisanales, à l’atelier empli de couleurs éclatantes, aux tissus lourds et veloutés, sortis d’un monde ancestral où le temps est suspendu aux couleurs, aux échantillons et aux piles d’étoffes, où se côtoient le soyeux et la douceur.


 

Jusqu’au jour où la paix règne autour de Mina morte, entourée de l’amour des deux hommes. Les événements personnels deviennent alors universels. Les lieux sont de toute beauté, les acteurs très attachants, même si la lenteur tourne parfois à vide. Sa durée étirée amoindrit le sens de l’histoire, lui retire de sa violence, pour la laisser dans une sorte de consensus presque affecté. Demeure cependant une très belle vision d’un nouvel amour.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°420-421, mars 2023

1. Adam, Jeune Cinéma n°394, mai 2019.


Le Bleu du caftan (Azraq alquftan). Réal : Maryam Touzani ; sc : M.T. & Nabil Ayouch ; ph : Virginie Surdej ; mont : Nicolas Rumpl ; mu : Kristian Eidnes Andersen . Int : Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui (Maroc-France, 2022, 124 mn).



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