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Café Society (2016)
de Woody Allen
publié le mercredi 11 mai 2016

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°374, été 2016

Sortie le mercredi 11 mai 2016


 


Une nouvelle fois, on se prend à espérer que le nouveau film de Woody Allen va retrouver un peu de la magie qui reste tapie dans notre mémoire. Le générique de Café Society reprend le graphisme, la musique jazz, certains des noms de toujours. Les nouveautés attirent tout de suite le regard, en premier lieu le nom de Vittorio Storaro à la photographie. Premières images, on devine tout de suite un contexte années 30. Première voix off, celle de Woody Allen.


 


 

Hollywood, New York (plus précisément le Bronx), on entre de plain-pied dans un jeu d’allers-retours qui renvoie à des choses bien connues chez l’auteur. Il ne faut toutefois pas s’arrêter à la manière dont il met en scène les outrances du monde factice de "l’usine à rêves", car il est aussi au cœur d’une période du cinéma qui lui permet de convoquer les stars qui le fascinent. Rappelons-nous la manière dont il traversait le miroir offert par ce monde dans La Rose pourpre du Caire (1985).


 


 

Aujourd’hui, c’est le personnage de Bobby (Jesse Eisenberg) qui, s’arrachant à son quotidien sordide de New York, plonge dans le monde chatoyant d’Hollywood que lui fait découvrir la charmante secrétaire de son oncle, important agent d’artistes, Vonnie (Kristen Stewart.) Les deux jeunes filent une romance vouée à l’échec, la secrétaire décidant finalement d’épouser son riche patron.


 


 

Retour de Bobby à New York où son frère (dont la spécialité est de couler ses rivaux dans le béton) le place à la tête d’un bar-cabaret qui devient un lieu très fréquenté.


 


 

Le cinéaste se livre à un jeu de marionnettiste dans la conduite du récit. Ne jouant plus dans ses films, il décide ici d’être celui qui propulse les événements par sa voix off, injectant directement à ses personnages une dose d’ironie qui retrouve parfois les accents que l’on a tant aimés dans sa période faste. On se prend à rire sans réserve à certaines petites scènes, celles qui mettent en scène la famille juive de Bobby, le père et la mère en particulier. Et les dialogues sur la mort, le silence de Dieu, surgissent comme des traits d’humour teintés d’amertume. Ce sont ces moments qui finalement tirent le film vers ce qu’il a de meilleur, plus que la romance entre Bobby et Vonnie, somme toute assez insipide.


 

Une fois de plus, Woody Allen nous laisse un peu sur notre faim. Les pépites contenues dans Café Society sont prises dans la gangue de l’accumulation, celle du décor, celle des sujets qu’ébauchent trop de personnages fictifs mais aussi référencés dans le Hollywood de ces années 30.


 


 

Si bien que l’on ressort du film en cernant mieux ce qui patine dans l’œuvre du cinéaste au point où nous en sommes avec lui. On le sent capable de semer encore quelques beaux instants de cinéma, mais plus de déployer un propos sur l’étendue d’un film, comme c’était le cas dans Une autre femme (1988), exemple entre bien d’autres, l’un de ses films les plus aboutis, les plus oubliés aussi. D’une certaine manière, le recours au film d’époque lui offre la possibilité de cultiver la nostalgie d’un cinéma qu’il aime, de décliner des automatismes qu’il maîtrise avec élégance. En cela, il peut encore séduire, mais certainement pas nous hisser vers les sommets qu’il a parfois frôlés, ceux de ses maîtres européens.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°374, été 2016


Café Society. Réal, sc : Woody Allen ; ph : Vittorio Storaro ; mont : Alisa Lepselter. Int : Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell, Jeannie Berlin, Blake Lively (USA, 2016, 96 mn).



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