Le Processus de paix est le troisième film de Ilan Klipper, après Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête (2017) et Funambules (2020). Coécrit avec Camille Chamoux, qui tient le rôle principal, celui-ci est aussi étonnant que les précédents, dans un genre complètement différent, une comédie à la fois trash et réaliste. À partir de leurs vies respectives, les deux auteurs ont inventé une trame narrative au cordeau, superbement interprétée et filmée par leur chef opérateur habituel, Lazare Pedron.

On rit beaucoup, et souvent jaune, devant cette débauche de trivialité domestique d’un couple juif en crise, au bord de la rupture, qui jure, crache et s’invective sans cesse. Ilan Klipper et Camille Chamoux ont trouvé leur inspiration auprès de l’association Co-parents, qui prépare les futurs parents utilisant l’insémination artificielle à partager l’éducation de l’enfant. Les protagonistes ont pris pour modèle un couple équilibré… jusqu’au jour où celui-ci leur annonce qu’il se sépare.

Les dialogues ciselés auraient pu être écrits par Woody Allen, après une immersion dans le triangle bobo du XIe arrondissement. Le duo formé par Camille Chamoux et Damien Bonnard est une jolie trouvaille : elle travaille pour une radio branchée où elle anime une émission sur le point G, lui est professeur à l’université, spécialisé sur le processus de paix… entre Israël et Palestine.

Camille Chamoux avait choisi pour titre La Paix, Ilan Klipper a préféré Le Processus de paix, car la vie de ce couple est toujours au bord de l’implosion comme celui que forment les deux pays, Israël et Palestine. Les héros ont pour référence implicite permanente ces deux peuples qui se ressemblent, vivent sur la même terre, mais sont plongés dans le chaos.

Le casting est remarquable. Les protagonistes principaux, évidemment, lui nounours gentil, perdu dans les situations que son épouse vraiment trop bavarde lui fait vivre à chaque minute. Mais aussi Ariane Ascaride, à contre-emploi dans le rôle d’une yiddische mamma pas si bienveillante ; Sabrina Seyvecou, la sœur, et Sofian Khammes, le beau-frère, au bord du nervous break-down, accompagnés de leurs enfants (certains sont les jeunes Klipper), capables de saccager en deux minutes un appartement.

Et une mention spéciale à Jeanne Balibar qui se régale à interpréter l’amie de Camille, nymphomane et snob à souhait, peut-être même un peu trop. Tous apportent au film naturel et trivialité dans cette comédie presque underground que n’aurait pas reniée John Waters.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Le Processus de paix. Réal : Ilan Klipper ; sc : I.K. & Camille Chamoux ; ph : Lazare Pedron ; mont : Carole Le Page ; mu : Stéphane Cochet, Jeanne La Fonta, Martin Mahieu. Int : Camille Chamoux, Damien Bonnard, Ariane Ascaride, Jeanne Balibar, Sabrina Seveycou, Sofian Khammes, Quentin Dolmaire, Laurent Poitrenaux (France, 2022, 93 mn).