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Une nuit (2023)
de Alex Lutz
publié le mercredi 5 juillet 2023

par Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 5 juillet 2023


 


Ça pourrait commencer comme tant d’autres films, avec une annonce préliminaire : "Inspiré de faits réels". Métro à une heure de pointe, une femme bouscule un homme, grossièrement sans s’excuser, il réagit, entraînant un échange aigre-doux. Un instant, on croit même qu’ils se connaissent très bien et qu’ils jouent pour amuser la galerie, public captif de la rame.
Mais ce sont de parfaits inconnus, qui se reconnaissent. Et dès lors que l’échange se prolonge, on comprend vite qu’il ne va pas être question de réalisme, et même que ce ne sera pas une comédie. On est entré dans un théâtre, il s’agit d’un dialogue, écrit, très vite lourd de sous-entendus et de regards connivents, il s’agit d’une vraie rencontre, de celles qui sont rares, qu’il faut admettre et ne pas laisser échapper.


 


 


 

En effet, les deux personnages la prolongent, et, dans la foulée, ils vont "conclure", comme on dit, dans un photomaton. Alex Lutz a dit quelque part en substance que "comme ça, c’était fait, juste après l’introduction, et on pouvait passer aux choses sérieuses, le corps du texte". Et, en effet, Une nuit est un film sérieux. Le premier télescopage aurait eu lieu le jour et pas le soir, sans doute que rien ne serait advenu, mais, de même que l’aube dissout les monstres, la nuit, elle, fait tomber les masques et autorise toutes les dérives, tous les détours, toutes les audaces, ces parenthèses qu’on croit n’engager à rien, et qui, tout compte fait à la fin, auront peut-être été les seules choses sérieuses de la vie.


 


 

Nathalie et Aymeric vont donc poursuivre leur "conversation", toute la nuit, dans un Paris à la fois désert en apparence et aussi subrepticement peuplé que leur métro d’origine, avec les mots et les idées d’un marivaudage, avec des mini-aventures de hasard, et avec, aussi, des aveux secrets.


 


 

Très vite, au delà du classique schéma de deux personnages et d’un long dialogue para-théâtral, la dérive post-coïtum s’avère une solide construction intellectuelle. La nuit, c’est l’envers, et l’ensemble du film constitue une sorte de large inversion. Outre le bouleversement de la chronologie traditionnelle (préliminaires puis acte), sans le vouloir particulièrement, là, c’est la femme qui induit tout le processus de la rencontre, et, au cours du temps, c’est elle qui va se montrer forte alors que l’homme est fragile, c’est elle qui va proposer et même disposer. À fin du film, au matin, même nous autres spectateurs percevons leur fatigue, et pourtant, pour eux, la nuit aura été réparatrice.


 

Alex Lutz vient du théâtre, acteur et metteur en scène, et son travail au cinéma ou à la télévision était mal connu, même si son deuxième film comme réalisateur, Guy (2018), a été salué et récompensé. Avec Une nuit, il fait son entrée sur le devant de la scène.

Sol O’Brien
Jeune Cinéma en ligne directe


Une nuit. Réal : Alex Lutz ; sc : A.L., Karin Viard & Hadrien Biche ; ph : Éponine Momenceau ; mont : Monica Coleman ; mu : Vincent Blanchard ; déc : Aurélien Maille ; cost : Amandine Cros. Int : Alex Lutz, Karin Viard, Jérôme Pouly, Noémie de Lattre, Kenza Fortas, Nicole Calfan (France, 2023, 91 mn).



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