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Climats (les) (2006)
de Nuri Bilge Ceylan
publié le jeudi 18 décembre 2014

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n°303-304, juillet 2006

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2006

Sortie le mercredi 17 janvier 2007


 


Après son succès avec Uzak à Cannes en 2003 (double Prix d’interprétation masculine et Grand prix du jury), le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan revient en compétition avec Les Climats, son troisième long métrage après Nuages de mai (1999), dans lequel il se met également en scène avec son épouse.


 

Un beau visage de femme, la joue posée sur une colonne de marbre au milieu des ruines d’un temple romain, un homme qui prend des clichés dans la luminosité éclatante de l’été anatolien. Une sourde mélancolie enveloppe ce couple silencieux, les yeux de Bahar s’égarent au-delà de ces vestiges antiques, le regard d’Isa s’enferme dans l’objectif nostalgique de son appareil photographique. Il parle, elle ne lui répond plus, elle est déjà ailleurs, tandis qu’une larme coule le long de son visage. Cette première séquence éblouissante organisée en longs plans fixes envoûtants donne parfaitement le ton du film. Isa, cet homme qui a l’étrange façon de dormir en posant sa nuque sur un tiroir de table de nuit, et Bahar, cette femme au corps si proche et pourtant si lointaine, sont "à la poursuite d’un bonheur qui ne leur appartient plus".


 


 

Les climats dont il est question ici désignent les turbulences changeantes de leurs vies intérieures. Bahar fait un cauchemar où Isa tente de l’asphyxier sous le sable de la plage. Un dîner avec des amis frôle la scène de ménage, une promenade en Vespa dérape dans la tentative de suicide. Isa trouve la force de faire son mea culpa et propose qu’ils s’éloignent mais restent bons amis. Bahar surmonte sa douleur pour lui demander de l’oublier. Les accents autobiographiques sont indéniables dans cette œuvre magnifique où la fixité et la durée des plans, l’équilibre du cadre, les dialogues d’une grande justesse, la beauté des acteurs et la lumière magique d’Anatolie contribuent à décrire les rapports tumultueux du couple.


 


 

En deux séquences stupéfiantes : celle du quasi viol d’une ancienne maîtresse par un Isa violent et désespéré, aveuglé par une pulsion où le désir et la colère s’entrechoquent violemment, et celle où, dans l’hôtel du dernier adieu, Isa et Bahar passent une nuit chaste côte à côte, Nuri Bilge Ceylan suggère avec une intelligence rare l’incompatibilité brutale entre deux êtres qui s’aiment. Michelangelo Antonioni n’est pas très loin.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°303-304, juillet 2006


Les Climats (Iklimler). Réal, sc : Nuri Bilge Ceylan ; ph : Gökhan Tiryaki ; mont : N.B.C. & Ayhan Ergürsel. Int : Nuri Bilge Ceylan, Ebru Ceylan, Nazan Kirilmis, Mehmet Eryilmas (Turquie-France, 2006, 101 mn).



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