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Paula (2023)
de Angela Ottobah
publié le mercredi 19 juillet 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 19 juillet 2023


 


Attention, ce film est une bombe. Il est difficile de le regarder comme on visionnerait un film d’aventures ou une saga familiale. Après des études de philosophie et d’ethnologie, Angela Ottobah, dont c’est le premier long métrage (après cinq courts), nous propose ici de s’attaquer à l’inceste, mais par des biais détournés. Ainsi, filme-t-elle l’enfermement d’un jeune père avec sa petite fille en cadrant la plupart du temps ses personnages au niveau de la ceinture, sans vraiment de distance, et dans des lieux glauques, comme cette maison dans la forêt qui se déstructure peu à peu.


 


 

On sent tout au long comme un malaise diffus s’installer, même si rien n’est dit ni montré ; tout est distillé, telle la mère qu’on ne voit qu’en webcam ou la présence de seringues et de médicaments, comme pour insister sur le côté malsain du père. Angela Ottobah a choisi pour ce rôle Finnegan Oldfield, dont elle magnifie le côté juvénile et la beauté intrigante justement parce que les pères incestueux ne sont pas toujours des hommes laids et adipeux - la réalisatrice avoue avoir été violée dans son enfance par son père biologique pendant cinq ans.


 


 

"Comment s’en prend-t-on au corps de l’enfant si ce n’est pas sexuellement ? Il y a beaucoup de réponses. Priver de nourriture, de sommeil. Isoler géographiquement. Faire tomber les cloisons - interdire la pudeur. C’est une mort à petit feu. Le chemin d’écriture a été long, il fallait retrouver ces lieux qui faisaient sens en miroir de l’inceste - raconter ce qui m’était arrivé mais presque métaphoriquement".


 


 

Le film est une réussite parce qu’il place le spectateur dans une situation vraiment gênante, sans cependant montrer de scènes explicites. Tout est dans le non-dit, mais aussi dans les symboles : le loueur de pédalos inquiétant filmé au ras de la braguette, la maison dans les bois que le père désosse, la myopie de la mère qui semble ne se rendre compte de rien et qui travaille en Corée, l’autodafé des objets utiles et inutiles de la maison, etc. Dérangeant, on peut le dire, parfois même à la limite du supportable. On ne guérit jamais vraiment de son enfance, encore plus lorsqu’on a été l’objet de viols répétés.


 


 

Angela Ottobah avoue avoir changé sa trajectoire en cours de réalisation, pour parvenir au plus près de ce qu’elle avait vécu elle-même : "Dans mon scénario, l’inceste n’était pas présent de façon réellement évidente. C’était un récit assez positif, dans lequel la petite fille devenait une figure héroïque. Durant le tournage, j’ai eu besoin de revenir à quelque chose de plus dur, plus fidèle à mon histoire aussi. C’était comme si le réel m’avait rattrapée. J’ai fini par filmer une histoire beaucoup plus trouble et inquiétante que celle que j’avais écrite".

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Paula. Réal, sc : Angela Ottobah ; ph : Lucie Baudinaud ; mont : Raphaëlle Martin-Holger ; mu : Rebeka Warrior. Int : Finnegan Oldfield, Aline Helan-Bourdon, Océan (France, 2023, 98 mn).



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