À Santiago, Manuel est prêtre, responsable d’un foyer de jeunes délinquants traumatisés qu’il dirige avec amour et fermeté : "Ouste, rangez-moi ce bordel, je ne veux pas savoir qui a commencé, il n’y a qu’ici que vous comptez un peu".

Il recueille Blanquita, revenant au foyer après quelques années d’absence, un bébé sur les bras. Violée par son père à 7 ans, puis malmenée, abusée, engrossée : elle dénonce un sénateur et ses débauches hébergées dans la villa d’un homme d’affaires en vue.

Manuel la soutient, avec l’aide d’une avocate et d’une psychologue. Elle évoque le cas d’une petite Margarita de 9 ans disparue et la coprophilie du sénateur. La police enquête, les médias s’en mêlent, Blanquita devient la voix des sans-voix. "L’amour dont ils ont besoin, dit Manuel, ce n’est pas celui auquel vous pouvez penser, c’est de l’argent, des moyens, des locaux, des psys".

Blanquita est déterminée à démasquer les violeurs, mais quand elle réagit en cognant et insultant à son tour Marco, un garçon qui l’a violentée avant d’être arrêté, la petite tigresse s’effondre en pleurant sur l’épaule du garçon, comme Carlito qui a craqué au début du film. Ce sont des endurcis vulnérables. Tous jouent des rôles, mais quelquefois un seul de leurs rôles passés, comme l’occultation de leurs autres postures, cela peut s’interpréter comme des mensonges. Le récit de Blanquita est-il celui d’un témoin ou celui d’une victime, et jusqu’à quel point ? Manuel va le découvrir au cours du film, quelquefois à ses dépens quand il a pris des positions décalées fondées sur sa confiance dans les déclarations des enfants.

C’est que les questions des enquêteurs sont très précises. Alors que les souvenirs et justifications, les vérités même, sont plus relatives et peuvent se dilater, se reformuler en fonction de la reconfiguration des traces et des traumatismes, et notamment du fait de l’enquête elle-même. C’est là que les éducateurs doivent faire preuve d’une humanité, disons, "dialectique", dans un contexte où l’Église, la Justice, les médias, l’establishment en général, encadrent fermement la société.

Le scénario est inspiré de faits réels, l’affaire d’un réseau de pédophilie de notables qui a défrayé la chronique au Chili en 2005. La forme du film évoque un documentaire, classique et appliqué, alors même que la chronologie se disperse.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

Blanquita. Réal, sc : Fernando Guzzoni ; ph : Benjamín Echazarreta ; mont : Jaroslaw Kaminski ; mu : Chloé Thévenin ; déc : Natalia Geisse. Int : Laura López, Alejandro Goic, Amparo Noguera, Marcelo Alonso, Daniela Ramírez, Ariel Grandón (Chili-France-Pologne-Luxembourg-Mexique, 2022, 94, mn).