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Punch-Drunk Love (2002)
de Paul Thomas Anderson
publié le mercredi 9 août 2023

par Bernard Nave
Jeune Cinéma n°280, février 2003

Sélection officielle en compétition du Festival de Cannes 2002
Prix de la mise en scène

Sorties les mercredis 22 janvier 2003 et 9 août 2023


 


Paul Thomas Anderson commence à aligner les récompenses dans les festivals : Ours d’or à Berlin pour Magnolia (1999), et cette année, Prix de la mise en scène à Cannes pour Punch-Drunk Love. Il est aisé d’imaginer que son style de réalisation le différencie suffisamment du cinéma américain de consommation courante pour comprendre cette faveur auprès des jurys. Il faut dire que ses références, Short Cuts de Robert Altman (1993) dans le cas du premier, une certaine tradition comique pour le second, ne peuvent laisser indifférent. Mais en même temps, on ne peut manquer de se poser la question de savoir si ces parrainages ne finissent pas par encombrer le véritable propos des films. La vision de Punch-Drunk Love ne fait que confirmer cette impression.


 


 

Ici la comédie joue sur plusieurs tableaux.
Le premier, très classique, s’articule sur une histoire d’amour entre un homme quelconque (Barry Egan / Adam Sandler), victime d’un chantage après qu’il a livré ses coordonnées de carte de crédit, son numéro de sécurité sociale, à une prostituée par téléphone, et une belle jeune femme (Lena Leonard / Emily Watson) venue laisser sa voiture devant l’entrepôt dans lequel il travaille.


 


 

Personnage décalé dans une réalité hostile, il produit des déboucheurs fantaisistes, en butte à la férocité de ses sept sœurs qui lui rappellent son enfance ratée. Poursuivi par les frères de la prostituée, il doit se révéler à lui-même, dépasser sa médiocrité pour conquérir Lena. Réduit à ce principe narratif, Punch-Drunk Love ne mériterait pas que l’on s’y attarde.


 


 

Dès le début, Paul Thomas Anderson place son film sur un autre terrain que celui de la comédie sentimentale. Il prend tout de suite le spectateur à contre-pied en introduisant des images totalement absurdes : une voiture qui se plante toute seule, une camionnette qui dépose devant l’entrepôt de Barry un harmonium dont on ne saura jamais d’où il vient et pourquoi. Cet improbable cadeau tombé du ciel ponctue le film de sa présence peu harmonieuse.


 


 

Nombre d’idées farfelues et loufoques ancrent le film dans un univers en porte-à-faux avec le contexte réaliste et banal de l’histoire et dessinent un envers du décor américain (californien en l’occurrence) quasi surréaliste. Il en va ainsi des images de supermarché dans lequel Barry achète en grande quantité des desserts en boîte qui lui permettent de collectionner des kilomètres en avion. La bande-son aussi introduit constamment un décalage ludique avec l’image. Les cadrages et mouvement de caméra, le montage ne cessent de surprendre.


 


 

Le spectateur est donc constamment sollicité par cette invention de la mise en scène qui contrebalance, sans la faire totalement oublier, la légèreté du scénario. Le brio de la réalisation, les éléments surréalistes, semblent alors se situer davantage sur le terrain d’un savoir-faire que sur celui d’un authentique élan créateur. Si le film distille donc des surprises plutôt agréables, il laisse cependant l’impression d’avoir affaire un exercice de style.

Bernard Nave
Jeune Cinéma n°280, février 2003


Punch-Drunk Love. Réal, sc : Paul Thomas Anderson ; ph : Robert Elswit ; mont : Leslie Jones ; mu : Jon Brion. Int : Adam Sandler, Emily Watson, Phillip Seymour Hoffman, Luis Guzman (USA, 2002, 95 mn).



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