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Abdelinho (2021)
de Hicham Ayouch
publié le mercredi 16 août 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 16 août 2023


 


Pour son quatrième long-métrage, Hicham Ayouch frappe fort et s’impose par un acte fort dans le contexte du cinéma marocain actuel. Né d’une mère juive française d’origine tunisienne et d’un père musulman marocain, il est un ancien journaliste reconverti dans le cinéma, à la suite de son frère aîné le réalisateur Nabil Ayouch. En 2005, il tourne Les Reines du Roi, un documentaire télévisé sur le nouveau statut des femmes au Maroc. Un an après, il signe son premier long métrage de fiction, Tizaoul (Les Arêtes du cœur), coécrit avec Hicham Lasri. Puis, en 2007, il réalise un nouveau documentaire télévisé, Poussières d’ange, sur des sportifs handicapés mentaux. C’est avec son deuxième long métrage de fiction qu’il gagne une renommée internationale. Sorti en 2009, Fissures est applaudi dans les festivals européens avant d’être projeté au MoMA à New-York et à la Tate Modern à Londres. Enfin, en 2013, il réalise un nouveau long métrage de fiction, Fièvres, qui porte sur les délicates relations d’un père et de son fils dans une cité française.


 

Avec Abdelinho, Hicham Ayouch parvient à nous divertir avec un sujet grave qui est en train, hélas, de dévorer le Maroc : l’intégrisme religieux. L’histoire d’Abdlinho est celle d’un jeune homme qui vit dans une petite ville du Maroc où il donne des cours de samba et connaît une réputation de doux dingue. Il nourrit une véritable passion pour le Brésil, d’où son surnom, et refuse toutes les femmes que sa mère veut lui imposer sous prétexte qu’il est amoureux de Maria, une héroïne de telenovela qu’il regarde en boucle.


 


 

C’est sur ce scénario assez simple que le réalisateur déploie tout son savoir-faire de metteur en scène en proposant un film à la manière esthétique du Fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet (2001) pour certains plans et les décors et costumes parfaitement choisis. C’est un univers loufoque qu’a choisi ledit Abdelinho, dans lequel les gens sont libres et rêvent d’aimer et de danser en plein soleil, jusqu’au jour où sa mère, qui suit assidûment l’émission d’un puissant télé-évangéliste musulman, Amr Taleb, lui demande d’intervenir pour convertir son fils.


 


 

L’obscurité fait suite alors à la lumière et Amr Taleb prend le pouvoir dans la ville, voile les femmes et rend les hommes tous identiques avec barbes et vêtements religieux. C’est un changement complet de style puisque les nouvelles autorités interdisent la danse et la musique. C’est malheureusement quelque chose qui s’est vu et se voit encore dans certains pays du Golfe, et Hicham Ayouch nous prévient que cela peut gagner tout le Maghreb et pourquoi pas l’Europe.


 


 

"Le personnage d’Amr Taleb représente le danger de l’instrumentalisation de la religion, en particulier lorsqu’il s’agit d’importer des pratiques étrangères qui n’ont aucun lien avec la culture locale. Le Maroc a été victime de l’invasion idéologique du wahhabisme, qui a propagé sa manière de vivre et sa pensée, entraînant un recul du pays en termes de valeurs. C’est ce que symbolise métaphoriquement le personnage d’Amr Taleb, cette colonisation des esprits venant de l’étranger".


 


 

Heureusement, le film finit bien. Toutefois on pourrait se poser une question : pour échapper à l’obscurantisme religieux, existe-t-il seulement une autre possibilité que l’adhésion à l’américanisation des esprits diffusée par les séries et leur idéologie matérialiste et capitaliste ?

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


Abdelinho. Réal, sc : Hicham Ayouch ; ph : Ludovic Zuili ; mont : Julien Foure. Int : Ali Suliman, Aderrahim Tamimi, Inês Monteiro, José Guedes (Maroc, 2021, 100 mn).



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