On peut tout craindre d’un film qui évoque la vie de caserne : l’épaisse gaudriole, la vulgarité béate, la larme à l’œil et la fleur au fusil. Pavel Juracek a tourné ce film pendant son temps d’armée, et, fuyant la grossièreté et l’attendrissement, il a considéré avec des lunettes rosées la petite humanité qui l’entourait et a trouvé la poésie. Il n’a vu que des enfants, un peu trop grands, mais dont les joues sont toujours fraîches et le regard encore candide.

Pour que les jours coulent plus vite, ils rêvent. Ils rêvent tous d’une fille idéale, inaccessible et paralysante, dont on voit le visage calme et grave, enfantin lui aussi, aux articultations des deux récits qui composent le fim : l’un et l’autre sans la moindre faute de goût.

Le premier, sans insister, avec un demi sourire, pose les rapports d’un gradé et d’une jeune recrue au hasard d’une longue promenade dans la ville. Le garçons souffre d’un pied, le caporal se voudrait irésistible. À la fin du jour, sans parole inutile, l’un et l’autre se rapprocheront.

C’est ensuite l’évocation par courtes scènes de la vie des soldats : la caserne, le bureau du colonel, les manœuvres. La peinture n’est jamais appuyée. Mais l’accent assourdi, les conclusions rapides, un soupçon indéfinissable de tristesse, font penser à l’art de certaines nouvelless de Anton Tchekhov.

L’histoire s’achève, sur un tempo plus soutenu, par la grande scène du bal trop attendu et si décevant, plus facile peut-être, avec un rien de longueur, mais où tout demeure encore miraculeusement en demi-teinte et conserve à ce très beau film le ton pudique qui le nuance de la première à la dernière image.

Raymond Chirat
Jeune Cinéma n°16, juin-juillet 1966

Chaque jeune homme (Každý mladý muž) aka Ah, ces jeunes gars ! : Réal, sc : Pavel Juráček ; ph : Ivan Slapeta ; mu : Karel Svoboda & Jaromír Vomácka. Int : Pavel Landovský, Ivan Vyskocil, Hana Ruzickova, Jaromír Hanzlík, Ladislav Jakim, Vladimír Hrabánek (Tchécolovaquie, 1966, 83 mn).