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Un métier sérieux (2022)
de Thomas Lilti
publié le mercredi 13 septembre 2023

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

Sortie le mercredi 13 septembre 2023


 


Thomas Lilti n’est pas passé du métier de médecin à celui de réalisateur qui ferait des films sur le monde de la médecine, comme on le croit trop souvent, à cause du succès public de trois de ses films, Hippocrate (2014), Médecin de campagne (2016), et Première Année (2018). Avec un père médecin, il a juste suivi la logique familiale, et, au cours de ses études, privilégié le chemin qui le passionnait : le cinéma. On lui doit par exemple, dès 2011, le scénario du film délicieux de Édouard Leduc, Mariage à Mendoza. Il vient aussi d’une famille de professeurs, sa mère notamment. Cette fois, son dernier film, Un métier sérieux aborde cet autre milieu qu’il connaît bien, celui de l’enseignement.


 


 

Une classe d’ados, un groupe de profs chargé de cette classe. Benjamin (Vincent Lacoste) arrive dans un collège de banlieue comme prof de maths remplaçant, sans formation particulière. La vie de l’école se dévoile. Pierre (Vincent Cluzet), c’est l’ancien, le sage, Sandrine (Louise Bourgoin), c’est la jeune prof de sciences de la vie et de la Terre, très consciencieuse et donc très vulnérable aux évaluations antipathiques d’une inspectrice revèche, Mériem (Adèle Exarchopoulos) est à l’aise, elle qui, pourtant, n’avait jamais été une bonne élève, Fouad (William Lebghil) est toujours optimiste et serviable.


 


 

À tous les profs, la discipline pose toujours problème. Ils ont d’ailleurs eux-mêmes quelques problèmes familiaux : Benjamin est en tension avec son père médecin qui voulait qu’il devienne aussi médecin, Pierre ne parle plus à son fils depuis qu’il a échoué aux concours des grandes écoles, Sandrine est insultée et brutalisée par son fils ado agressif qu’elle élève seule, Meriem, divorcée, n’a pas de patience avec son petit garçon...


 


 
Sans doute parce que ces mondes lui tiennent à cœur, le cinéaste, comme dans ses films précédents, adopte un point de vue interne, solidaire, presque subjectif, pas sociologique. Ce qu’il raconte est ordinaire, il n’y a pas de grand drame ou de héros, juste les hauts et les bas de la vie quotidienne d’un métier difficile, mal payé, très sous-estimé.


 


 

Du coup, le film présente un aspect documentaire - locaux mal entretenus, transports pénibles, ados teigneux ou appliqués, hiérarchie maladroite, collègues solidaires –, sans jamais devenir un réquisitoire, dans ce portrait de groupe sans syndicat et, ce faisant, il est particulièrement efficace. Comme l’auteur autorise aussi l’improvisation de ses acteurs, la fiction s’installe parfaitement : la joyeuse tablée des profs à la cantoche, une bande de vieux écoliers à côté des plus jeunes, les soirées amicales, les sorties à la mer avec leurs anicroches, le proviseur menaçant quand il s’agit d’évaluer un exercice d’évacuation, mais solidaire des profs qu’il consulte au-delà des conseils de discipline réglementaires.


 


 

Thomas Lilti filme avec tendresse et précision les milieux professionnels qu’il fréquente, qu’il observe, qu’il aime, et son objectif est la simple réévaluation de ces "métiers d’engagement", dont le côté professionnel rejoint la vie personnelle. Il connait l’hôpital, il connait l’école comme ancien élève, fils de prof, parent d’élève. Son prochain film pourrait concerner le milieu du cinéma lui-même.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023


Un métier sérieux. Réal, sc : Thomas Lilti ; ph : Antoine Héberlé ; mont : Gwen Mallauran & Matthieu Ruyssen ; déc : Philippe van Herwijnen ; cost : Dorothée Guiraud. Int : Vincent Lacoste, Louise Bourgoin, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos, Lucie Zhang, William Lebghil, Bouli Lanners (France, 2022, 101 mn).



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