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Je vous salue salope (2022)
de Guylaine Maroist & Léa Clermont-Dion
publié le mercredi 4 octobre 2023

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

Sortie le mercredi 4 octobre 2023


 


Le sous-titre de ce documentaire canadien, La misogynie au temps du numérique, donne le ton : la haine des femmes, plus violente que jamais, après la vague Me Too de l’automne 2017, des deux côtés de l’Atlantique.


 


 


 


 

Il s’agit du récit filmé de la surprise, l’humiliation, la résistance, l’impuissance, la souffrance de femmes insultées et menacées sur les réseaux sociaux, pour avoir pris la parole, sans concurrencer pourtant leurs détracteurs inaptes au débat. Dans ce sillage, Léa Clermont-Dion & Ghylaine Maroist poursuivent la mise à jour des ravages suscités par le cyberharcèlement. Elles montrent comment la propagation, à la vitesse de la lumière, des exhalaisons fétides de masculinistes masqués envers des femmes visibles dégrade autant les éclaboussées, honteuses de battre en retraite, que les vomisseurs qui espèrent les dominer.


 


 

Quatre femmes, et le père d’une cinquième poussée au suicide, témoignent. Les deux réalisatrices n’interviewent pas les agresseurs, la parole est aux femmes qu’ils veulent faire taire.
Laura Boldrini, présidente de l’Assemblée nationale italienne, fait face à des averses de propos obscènes et menaçants. Kian Morris, élue démocrate du Vermont, agressée, traquée finit par déménager et démissionner avant la fin de son mandat, pour protéger son mari. Laurence Gratton, québécoise, choisit de se taire faute d’être parvenue à discréditer un collègue de classe qui ironise anonymement sur chacune de ses interventions. Marion Séclin, comédienne française, reçoit jusqu’à 40 000 messages d’insultes après un tournage sur le harcèlement de rue.


 


 


 


 

Enfin, au nom du cinquième victime, Glen Canning, son père évoque le long calvaire caché de de Rehtaeh Parsons, après son viol dont les images avaient été diffusées.


 

Les coupables sont débusquables et ils sont identifiés, mais ils demeurent impunis. Les victimes savent d’autant moins se défendre que leur complainte les expose encore davantage aux perfidies, et quand elles s’en remettent à des "autorités" (responsables des réseaux sociaux ou police), celles-ci bottent en touche : "Elles n’ont qu’à s’effacer". Alors qu’il va de soi que ce sont les pollueurs qu’il faudrait déconnecter.


 

L’évocation de la lutte des aînées pour le droit de vote des femmes, et la mention de l’inspiration d’extrême-droite des aboyeurs, inscrivent ces phénomènes dans une étape historique d’émancipation des femmes. Et cela contribue à calmer les ecchymoses, plus imputables à une sorte de "pandémie" de la civilisation patriarcale qu’à des malédictions personnelles.


 


 

Les deux cinéastes souhaitent sensibiliser les gens à ce phénomène grave et que leur film soit utilisé comme un outil de prévention et d’éducation. Je vous salue salope. La misogynie au temps du numérique est un documentaire aussi percutant que l’est son titre. Il ne propose pas de pistes de ripostes des victimes, mais il dénonce vigoureusement les harceleurs et leur souteneurs.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023


Je vous salue salope. La misogynie au temps du numérique. Réal, sc : Guylaine Maroist & Léa Clermont-Dion ; ph : Steeve Desrosiers, Richard Hamel, Fabien Côté, Louis-Vincent Blaquière & Jean-François Perreault ; mont : Jean-François Lord & Éric Ruel ; mu : Antoine Félix Rochette. Avec : Laura Boldrini, Marion Séclin, Kiah Morris (ou Ruqaiyah Khadijah Kiah Morris), Laurence Gratton, Glen Canning, Laurence Rosier, Donna Zuckerberg, Nadia Seraiocco, Sarah T. Roberts (Canada, 2022, 80 mn). Documentaire.


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