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Acide (2023)
de Just Philippot
publié le mercredi 20 septembre 2023

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

Sélection officielle Hors compétition du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 20 septembre 2023


 


Just Philippot a vite été remarqué par la singularité de ses courts métrages : À minuit, ici tout s’arrête (2011), Ses souffles (2015), Gildas a quelque chose à nous dire (2016), et enfin Acide (2018). Il réalise ensuite dans le même registre, entre drame naturaliste et fantastique, une veine qui lui est personnelle, deux longs métrages, La Nuée (2021) et Acide (2023).


 

Acide est un film noir, appartenant au genre du survival, un drame à la fois collectif et individuel. Just Philippot dépeint un monde apocalyptique, un affolement général sur la planète, victime des catastrophes du changement climatique, et dans le film des pluies acides et tous les accidents qu’elles déclenchent : asphyxie des forêts, altération et empoisonnement des eaux, pollution atmosphérique, délabrement des bâtiments, le tout filmé dans la nuit. Métaphore probable du chaos du monde actuel en proie aux luttes sociales, aux vagues d’immigrations climatiques ou plus grave encore, aux guerres d’invasions, dévastatrices et criminelles.


 

C’est l’histoire d’une adolescente, Selma (Patience Munchenbach), entourée de ses parents séparés, Michal (Guillaume Canet) et Élise (Laetitia Dosch), soudain prise dans une tempête de pluies acides meurtrière, qu’elle affronte avec effroi dans la solitude. Face au désastre, Just Philippot choisit de représenter deux attitudes, la première collective, la seconde individuelle. Très vite en effet, se met en place un comportement solidaire et responsable face à la catastrophe - création de lieux de rencontres, d’hébergements, appels téléphoniques... Ensuite il concentre son attention sur l’individu, et à la caractérisation de ces trois personnages, dont le destin s’effondre.


 

À mesure que le cataclysme se répand, la solidarité se fissure. Il ne s’agit plus que de sauve-qui-peut personnel, de fuite en avant pour sauver sa peau à tout prix. Des choix redoutables se mettent en scène, la mère est abandonnée à la noyade par sa fille, sans qu’elle ait la moindre certitude d’épargner sa propre vie. Peut-être qu’un scénario allégé de quelques difficultés aurait donné un film moins obscurci par le pessimisme de la situation, malgré le fil inéluctable et désespéré qui sous-tend en permanence la narration. Cependant, à l’impuissance à combattre le fléau se mêle un ultime espoir de revoir un jour l’amour de sa vie, un frère, ou un mari… La petite histoire, parfois complexe de chacun, dans la grande histoire du monde.


 

Guillaume Canet dégage une belle ardeur pour incarner ce rôle du dieu grec Poséidon. Ses gestes envers sa fille sont enveloppants, ayant toujours présent à l’esprit de la protéger coûte que coûte. Un caractère dense capable d’exprimer l’acharnement à se battre pour sa vie. La jeune Selma traverse l’histoire avec candeur, sincèrement bouleversée par le tragique. La participation de Laetitia Dosch en revanche est assez décevante, sa longue silhouette dans le paysage, semble étrangement ailleurs.
Le travail de Just Philippot, en collaboration avec son chef-opérateur Pierre Dejon, est absolument remarquable, chaque image est plausible et sonne juste dans sa noirceur et sa beauté plastique.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023


Acide. Réal, sc : Just Philippot ; sc : Yacine Badday ; ph : Pierre Dejon ; mont : Pierre Deschamps ; mu : Rob ; déc : Gwendal Bescond ; cost : Sabrina Riccardi. Int : Guillaume Canet, Patience Munchenbach, Laetitia Dosch, Suliane Brahim (France, 2023, 90 mn).



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