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Long Day Closes (the) (1991)
de Terence Davies
publié le dimanche 8 octobre 2023

par Mireille Pelinq
Jeune Cinéma n°216, juillet 1992

Sélection officielle en compéttion du Festival de Cannes 1992

Sortie le mercredi 7 octobre 1992


 


The Long Day Closes de Terence Davies n’est pas la suite de Distant Voices, Still Lives, découvert à la Quinzaine des réalisateurs en 1988. Certes, on y retrouve la maison de briques de Liverpool où a grandi le jeune Bud, la mère, la famille, les amis, et aussi des chants, comme dans le film précédent, qui s’enchâssent dans le tissu narratif.


 


 


 

Mais la démarche est différente. Terence Davies ne recrée pas ici le monde ouvrier qui l’entourait dans son enfance, mais le monde qu’il portait en lui. Le film n’est plus fait de tableaux de "vies arrêtées" par la mémoire, mais de fragments de temps retrouvé, passé-présent de l’être. Il saisit l’instant d’un passage, quand le bonheur de l’enfant lové dans la tendresse maternelle, le plaisir des fêtes amicales, la fascination du cinéma, est entamé par l’éveil d’une sexualité tourmentée, les transports d’une religion de culpabilité et de souffrance, la découverte de la brutalité des maîtres et des camarades d’école.


 


 


 

Dans ce film sans intrigue, presque sans dialogues, le réalisateur donne forme et unité aux souvenirs de ses 11 ans (1955-1956) par le biais de l’imaginaire collectif : le cinéma et la musique. Musiques classiques ou populaires, Gustav Mahler aussi bien que Stardust (1), bandes-son des films qu’on allait voir alors en famille, Noblesse oblige (2) ou comédies musicales… Tôt dans le récit, quelques phrases de La Splendeur des Amberson (3) ouvrent la porte au trésor d’images du souvenir : "En ce temps-là, on avait temps pour tout… On allait donner un bal…"


 


 

Puis ce sera le tour des "numéros" musicaux de films doucement nostalgiques, Le Chant du Missouri (4) ou Parade de printemps, Irving Berlin, Judy Garland, Fred Astaire… (5). On n’en verra aucune image et les correspondances s’établissent moins sur le contenu du cadre que sur la sensibilité du rêveur qui transfigure le passé.


 


 

Textes, chansons, voix de femmes admirables a capella, cantiques, chœurs aux accents funèbres du jour qui meurt, composent avec des images souriantes ou cruelles, un opéra de la mémoire : torrents de pluie sur la ville, douceur des visages de femmes, envol de jupes, visage ébloui de l’enfant au cinéma, inquiétude de l’écolier surpris par les coups de férule sur la paume, bientôt amplifiés dans un accès d’exaltation pieuse en coups de marteau sur une main crucifiée.


 


 

L’enfant Bud dans la nuit, une torche à la main, s’émerveille d’une leçon de physique : les rayons lumineux durent éternellement. Terence Davies a su magnifiquement rassembler les éblouissements de l’enfance et les "poussières d’étoiles" qui dansent dans le faisceau de ses rêves et des nôtres.

Mireille Pelinq
Jeune Cinéma n°216, juillet 1992

1. Stardust est l’unique album studio du groupe Sea Urchins (titres 1986-1989), sorti après la séparation du groupe en 1991.

2. Noblesse oblige (Kind Hearts and Coronets) de Robert Hamer (1949).

3. La Splendeur des Amberson (The Magnificent Ambersons) de Orson Welles (1942).

4. Le Chant du Missouri (Meet Me in St. Louis) de Vincente Minnelli (1944).

5. Parade de printemps (Easter Parade) de Charles Walters (1948), avec Judy Garland et Fred Astaire, musique de Irving Berlin.


The Long Day Closes. Real, sc : Terence Davies ; ph : Michael Coulter ; mont : William Diver ; mu : Bob Last, Robert Lockhart. Int : Marjorie Yates, Leigh McCormack, Anthony Watson, Nicholas Lamont, Ayse Owens, Tina Malone (Grande-Bretagne, 1991, 85 mn).



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