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Coming Apart (1969)
de Milton Moses Ginsberg
publié le mercredi 11 octobre 2023

par Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

Sorties les mercredis 14 juillet 2004 et 11 octobre 2023


 


Camélia (1) ressort ce film étonnant de Milton Moses Ginsberg, qui date de 1969 et qui n’eut pas grand succès à l’époque. Il était pourtant dans l’air du temps, celui de la permissivité sexuelle - année érotique oblige -, de la vogue de la psychanalyse, du Take the Money and Run de Woody Allen (1969) dont le cinéaste fera son miel et, plus particulièrement, du "complexe de Portnoy" cher à Philip Roth, de la vague de l’underground au théâtre, dans la bande dessinée et dans le cinéma avec, notamment, le Blue Movie de Andy Warhol (1969). L’interprète principale féminine de Coming Apart, Sally Kirkland, était d’ailleurs une transfuge de la Factory.


 


 

Le héros est un psychanalyste exerçant dans un immeuble chic de l’East Village. L’intrigue peut faire écho à la relation orageuse entre l’auteur de Sleep (1963), et celle du SCUM Manifesto de Valerie Solanas (1967). "Coming apart" peut se traduire par disjoncter, craquer, être surmené. Cette expression s’applique non seulement aux patientes qui viennent consulter qu’à l’analyste, qui exerce de manière peu orthodoxe, voire contraire à la déontologie.


 


 


 

Le film est en noir et blanc, avec une gamme subtile de gris et un style rappelant celui du cinéma indépendant newyorkais et du cinéma direct des frères Albert & David Maysles, dont Allen Ginsberg fut le monteur. Son casting réunit des comédiens pour la plupart issus du théâtre, formés à l’Actors Studio, comme Sally Kirkland, l’impatiente patiente, et Rip Torn, le psy, ou encore Lois Markle, la masochiste de service, complétés par la vedette suédoise Viveca Lindsford, et le danseur du Joffrey Ballet, Bobby Blankshine, alors célèbre pour son rôle de bouffon dans Les Clowns, une chorégraphie de Gerald Arpino créée deux ans avant celle du titre éponyme de Federico Fellini.


 


 

Mais, malgré l’apparition de Bobby Blankshine en tenue de clown blanc dans une scène carnavalesque, voire orgiaque, c’est à un autre film que Milton Moses Ginsberg fait référence : Peeping Tom de Michael Powell (1960), où s’illustra Karlheinz Böhm - lequel eut du mal à s’en remettre. Au thème du voyeur, aussi vieux que le cinématographe - cf. par exemple Par le trou de la serrure de Ferdinand Zecca (1901) -, s’ajoute celui du filmeur filmé ou du film dans le film - cf. la vue prise par la succursale britannique de l’American Mutoscope & Biograph, Animated Picture Studio (1903), ou encore la caméra de surveillance de Metropolis de Fritz Lang (1927).


 


 


 

La question du docteur malade, déjà abordée dans Das Kabinett des Doktor Caligari de Robert Wiene (1920), implique un dispositif plus alambiqué qu’un simple œil de bœuf ou une paire de jumelles comme celle de James Stewart dans Rear Window de Alfred Hitchcock (1954), annonçant l’installation vidéo de Grandeur nature de Luis García Berlanga (1973) : une glace sans tain derrière laquelle est dissimulée une caméra 16 mm qui n’a rien de candide, un micro un magnétophone et à bande permettant d’enregistrer les séances de psychanalyse et de les mater à satiété.


 


 


 

De ce fait, fusionnent les images d’amateur, montées à la va-comme-je-te pousse, avec leurs amorces noires ou blanches et le film réel, en l’occurrence une fiction.

Nicole Gabriel
Jeune Cinéma n°424-425, septembre 2023

1. Rétrospective Milton Moses Ginsberg, Films du Camélia.


Coming Apart. Réal, sc : Milton Moses Ginsberg ; ph : Jack Yager ; mont : Lawrence Tetenbaum ; mu : Francis Xavier ; cost : Francesca Davis. Int : Rip Torn, Sally Kirkland, Lois Markle, Phoebe Dorin, Michael McGuire, Viveca Lindfors, Kevin O’Connor (USA, 1969, 110 mn).



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