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MMXX (2023)
de Cristi Puiu
publié le mercredi 1er novembre 2023

par Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival de San Sebastián 2023

Sortie le mercredi 1er novembre 2023


 


2020, pendant la pandémie de coronavirus, des personnes plus ou moins en relation entre elles, tentent d’avoir des vies à peu près normales. Des vies que l’on observe au travers de quatre séquences relatant quatre histoires et qui structurent donc le film en quatre parties. Bien qu’il segmente son film ainsi, Cristi Puiu, qu’il recoure au plan séquence stable ou à la caméra à l’épaule nerveuse, respecte toujours l’unité de temps et de lieu de ses scènes. Ce faisant, il représente bien l’isolement physique de tous ces gens durant cette période de confinement.


 

Dans ses intrigues, le covid est placé malicieusement au second plan, ou relégué à celui de détail dans la vie des personnages aux prises avec des soucis existentiels tantôt profonds tantôt risibles. C’est au point que l’événement acquiert ironiquement le statut d’épiphénomène au vu des névroses de la société roumaine. Le sommet de cette ironie est atteint par le fait que la plupart des protagonistes ont pour phobie la maladie physique, mais oublient, voire nient, la maladie psychologique. Cette négligence donne aux multiples conversations auxquelles ils se livrent, des allures de psychanalyses sauvages et improvisées, car non pensées.


 

Les lumières de MMXX sont d’ailleurs travaillées pour redire l’angoisse ou la peur de la maladie des individus. La relégation au rang accessoire du covid est accentuée par le fait que tout ce monde parle aisément entre soi, sachant qu’outre leurs thèmes, l’autre point commun de ces conversations réside dans le fait qu’aucun des interlocuteurs ne semble véritablement concerné par ce que dit l’autre. Cette attitude apparemment impassible parachève l’acidité du ton de l’œuvre. Une acidité qui dispose d’un versant politique, exprimé lui aussi par la segmentation des histoires, qui représente aussi, symboliquement, une segmentation de classe : les plus élevées parlant de problèmes plus superficiels que les plus populaires.


 

Ainsi, le sentiment de claustrophobie de MMXX n’émane-t-il pas tant du fait que trois des quatre histoires se déroulent en intérieur ou par l’absence de musiques que de cette rigidité sociale.


 

L’efficacité de ce portrait d’une société égoïste dressé par l’auteur est achevée par le talent de jeu des interprètes. Chacun d’eux parvient à laisser transparaître de multiples petits détails qui suggèrent, malgré tout, l’émotion. Cela permet de nuancer subtilement la radicalité du point de vue du cinéaste. Cette nuance est aussi possible grâce à la qualité de l’écriture scénaristique qui, par la digression, fait prendre aux conversations des chemins de traverse, qui donne la possibilité d’en apprendre sur les quidams et de créer de l’empathie.


 

Cette virtuosité d’écriture permet aussi à l’auteur de faire fluctuer le ton des séquences, ce qui crée à la fois amusement et tension, tout en rendant les histoires imprévisibles. Parfois confus du fait de l’enchaînement entre scènes, MMXX ne s’en regarde pas moins avec plaisir au regard de ses qualités.

Hugo Dervisoglou
Jeune Cinéma en ligne directe


MMXX. Réal, sc : Cristi Puiu ; ph : Ivan Grincenco & Silviu Stavilã ; mont : Sebastian Pereanu & Ecaterina Iaschevici. Int : Bianca Cuculici, Igor Babiac, Roxana Ogrendil, Dorian Boguta, Dragos Bucur, Laurențiu Bondarenco, Florin Țibre (Roumanie, 2023, 160 mn).



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