Ce premier long métrage choral est une réussite. Sans pathos ni misérabilisme, L’Arche de Noé nous entraîne dans le huis clos d’un centre d’accueil pour jeunes homosexuels à la rue, qu’il faut aider et réinsérer - ils ont 6 mois pour trouver du travail.
Le centre est dirigé par Noëlle, une incroyable Valérie Lemercier, qui a raté sa propre vie, et ne veut pas "se faire chier avec les émotions".

Bryan Marciano raconte qu’il avait vu un reportage à la télévision il y a une dizaine d’années, qui l’avait impressionné, et il avait alors décidé de rencontrer ces jeunes et les cadres. De ces rencontres, on ne sort pas indemne, et c’est le réel qui a donné forme à son projet. De même, le personnage de Noëlle est inspiré d’une travailleuse sociale qui existe réellement. L’actrice ne connaissait pas le monde associatif et elle l’a découvert grâce à Bryan Marciano qui les a présentées. Étonnée de découvrir le dévouement de ces bénévoles qui n’attendent aucun merci, et qui, comme tous les soignants, pour se protéger, sont obligés de maintenir une distance avec les autres, elle a constaté qu’il y a là "quelque chose de l’ordre de la foi".

Le décor est planté. Parmi les personnages, tous ces êtres à la fois fragiles et "en béton" - selon le réalisateur -, qui se heurtent aux parois du local et aux obstacles de la vie, dans un "joyeux bordel" qui cache l’horreur de leurs existences fracassées, émerge alors une sorte de Candide, Alex le stagiaire, interprété par Finnegan Oldfield, lui aussi en décalage et sans doute blessé également par la vie.

Et c’est ainsi, entre documentaire et fiction, que le film fonctionne pleinement.
L’Arche de Noé aurait pu la jouer larmoyant et bien-pensant. Il n’en est rien. Sa force vient justement de son point de vue qui ne porte aucun jugement et qui donne libre cours aux expressions et aux coups de gueule des pensionnaires du centre.

Ce premier film prometteur, grâce au talent de son auteur et de ses collaborateurs, et, bien sûr, de ces quatorze comédiens, dont de nombreux non-professionnels, qui arrivent à montrer la dignité et la souffrance des personnages qu’ils incarnent.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

L’Arche de Noé. Réal, ph : Bryan Marciano ; sc : B.M. & Noé Debré ; ph : Vincent Van Gelder ; mont : Samuel Danesi ; mu : Dédouze ; déc : Séverine Baehrel ; cost : Camille Rabineau. Int : Valérie Lemercier, Finnegan Oldfield, Elsa Guedj, Olivier Claverie (France, 2023, 105 mn).