Wim Wenders retrouve le Japon, avec cette commande de la municipalité de Tokyo, qui voulait mettre en valeur ses toilettes publiques récemment rénovées, au design architectural high-tech du quartier de Shibuya. Au court métrage prévu, il substitue un long métrage de fiction qui suit le quotidien d’Hirayama, interprété par Koji Yakusho (prix d’interprétation mérité), la soixantaine, employé par la ville de la société Tokyo Toilet pour les nettoyer.

Le nom du personnage n’est pas anodin. C’est celui du veuf vieillissant du Goût du saké (1962), en hommage à Yasujirō Ozu, cinéaste qu’il admire - on se souvient de Tokyo-Ga (1985). Hirayama est un homme modeste, digne, peu loquace, qui accomplit son travail ingrat à la perfection.

La routine immuable de ses journées ne semble jamais lui peser. Il se lève toujours à la même heure, range sa chambre, fait un brin de toilette, humidifie ses plantes vertes, enfile sa tenue de travail, hume l’air du matin, charge sa camionnette, glisse une cassette dans son autoradio : Lou Reed, dont le "Perfect Days" donne son titre au film, The Animals, Patti Smith - et, sourire aux lèvres, effectue minutieusement sa tâche. Il passe l’éponge dans le lavabo, change les rouleaux de papier, nettoie la cuvette avec le même amour du travail bien fait qu’un artiste peaufinant son œuvre. Sa pause-déjeuner, il la prend toujours dans le même parc, sur le même banc. Sa vie n’est n’est ponctuée que par les frasques de son jeune assistant.

Épris d’art et de poésie, contemplatif, Hirayama savoure les petites choses de la vie : la musique, les livres, les détails d’architecture, les photos des arbres prises avec son vieil Olympus argentique… Il s’imprègne de l’univers qui l’entoure autant qu’il inonde la pellicule de sa vie simple et de sa philosophie humble et pourtant essentielle.

Perfect Days est une œuvre d’une simplicité et d’un charme absolus, qui dégage une douce mélancolie, et nous propose de réfléchir à ce dont nous avons réellement besoin. Lorsqu’un soir Hirayama reçoit chez lui sa nièce, dont les parents sont très riches, il voit resurgir son passé, et la jeune fille, qui découvre le quotidien routinier et si apaisant de son oncle, réalise que le bonheur ne se cache pas dans une vie de richesses.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Perfect Days. Réal : Wim Wenders ; sc : W.W. & Takuma Takasaki ; ph : Franz Lustig ; mont : Toni Froschammer ; déc : Towako Kuwajima. Int : Koji Yakusho, Min Tanaka, Arisa Nakano, Yumi Asô Tokio Emoto Aoi Yamada (Japon-Allemagne,2023, 123 mn).