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Ferme des Bertrand (la) (2023)
de Gilles Perret
publié le mercredi 31 janvier 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 31 janvier 2023


 


En Haute-Savoie, en 1972, la ferme des Bertrand, exploitation laitière d’une centaine de bêtes, est tenue par trois frères, célibataires. Gilles Perret leur consacre en 1997 son premier film, alors qu’ils sont en train de transmettre la ferme à leur neveu Patrick et sa femme Hélène. Vingt-cinq ans plus tard, le réalisateur (et voisin) reprend la caméra pour accompagner Hélène qui, à son tour, va passer la main.


 

À travers la parole et les gestes des personnes qui se sont succédé, le film dévoile des parcours de vie bouleversants où travail et transmission occupent une place centrale : une histoire à la fois intime, sociale et économique de notre monde paysan.


 

Il utilise les images de 1997 et celles d’aujourd’hui, mais aussi des archives. "Je savais que Marcel Trillat avait filmé les Bertrand pour un de ses films, destiné à la télévision, déclare Gilles Perret. Celui-ci date de 1972. Je suis né en 1968, j’avais donc 4 ans. Mais j’en avais encore le souvenir, parce que la télé qui débarquait dans notre hameau complètement perdu, ça avait été un sacré événement !".


 

Entre Genève et Chamonix, le paysage est digne des cartes postales. Malheureusement, la réalité n’est pas aussi idyllique. Gilles Perret filme ici un monde en train de mourir, ou de se dissoudre dans une prétendue modernité qui aura la peau du monde paysan, et pas seulement. Qui mieux que lui, qui connaît les Bertrand depuis sa naissance, aurait pu filmer ainsi cet univers d’aussi près et avec une telle empathie. En cinquante ans, la vie à la campagne a bien changé. On aurait pu croire à un moment donné que la vie y serait moins rude, mais le travail y est toujours aussi pénible et ingrat.


 

La montagne, tout comme la campagne, n’est pas le paradis jadis chanté par Jean Ferrat. La ferme des Bertrand en est le témoin et ce film est d’une très grande tristesse. Certes, des membres de la famille ont disparu, certes, ceux qui restent sont toujours à la tâche et montrent des visages pourtant souriants. Mais on sent que la marche forcée vers le progrès, notamment l’achat de robots, va tuer ce monde en symbiose avec la nature et cette centaine de vaches dont ils connaissent chaque nom.


 

On sent une grande mélancolie dans ce beau documentaire, dans les yeux des personnes filmées, et dans le sentiment qui se dégage, notamment à la question de savoir si les enfants accepteront de prendre la relève et de se tuer à la tâche pour ce noble métier.


 

Au regard de l’un d’eux, on est presque sûr de la réponse, comme si le monde nouveau avait déjà tout détruit ou quasiment. Sans doute parce qu’il n’y a plus d’échange de paroles ici comme ailleurs. "Ce qu’ils ont accompli et ce qu’ils sont parvenus à transmettre, les trois frères le doivent aussi à ces heures de discussion consacrées à parler de sujets essentiels : la vie, le sens du travail... Ils ont réussi par la réflexion, la parole, l’explication et par le fait de se documenter. Les trois frères ne sortaient pas de leur ferme. En revanche, ils lisaient, s’intéressaient aux gens, étaient avides de rencontres et d’échanges".
En est-il encore ainsi ?

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


La Ferme des Bertrand. Réal, ph : Gilles Perret ; sc : G.P. & Marion Richoux ; mont : G.P. & Stéphane Perriot ; mu : Vincent Boniface (France, 2023, 89 mn). Documentaire.



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