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Il n’y a pas d’ombre dans le désert (2021)
de Yossi Aviram
publié le mercredi 28 février 2024

par Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 28 février 2024


 


Ce second long métrage de Yossi Aviram (1), après La Dune (2014), revient sur le poids du passé, "une souffrance qui n’était pas la nôtre" qui hante sa génération.


 

Au tribunal de Tel Aviv, lors du procès d’un nazi hongrois, Ori (Yona Rozenkier) croise Anna (Valéria Bruni-Tedeschi). Il lui demande : "Tu ne me reconnais pas ?", d’un ton incrédule face à son indifférence. Il évoque une rencontre à Turin, vingt ans auparavant, et en dépit des détails, Anna affirme perplexe ne pas se souvenir de lui.


 


 

Ces deux-là, que le hasard met en présence, ont des parents rescapés des camps. Anna, une écrivaine parisienne, a persuadé son père - qui se fait attendre - de venir témoigner. Ori accompagne sa mère citée aussi comme témoin.


 

Ori ne va pas fort, son frère l’a trouvé inconscient sur son lit et l’a sauvé en l’aspergeant avec le tuyau d’arrosage du jardin. Il est coutumier des tentatives de suicide. Entre une femme dont il n’est plus amoureux et une mère autoritaire qui le morigène comme un enfant, il se réfugie dans la lecture, l’écriture, des échappées dans le désert.


 

Le titre du film - un paradoxe - désigne le sentiment de liberté qu’éprouve Ori dans le désert du Neguev, un paysage singulier, où la part d’ombre des protagonistes se dissipe. Le réalisateur explore les relations familiales à l’aune des conséquences de la Shoah. Anna reproche à son père son silence, ne rien savoir la tourmente ; elle espérait qu’il parle au procès, mais il lui oppose un "à quoi ça sert tout ça ?". Ori constate que si sa mère en parlait tout le temps, il n’en est pas plus avancé. Une même culpabilité, une même souffrance entravent leur existence, leur identité.


 


 

Le réalisateur nous amène à nous interroger autant sur le droit de savoir que sur celui de se taire des rescapés, comme un droit à l’oubli. L’imaginaire pour combler le vide est leur recours. Yossi Aviram utilise des séquences d’animation pour exprimer la dualité entre fiction et réalité.


 


 

Le voyage à Turin, lié au nom de Primo Levi, est un récit qu’Anna a écrit (un fait vécu ?), dont le souvenir tourne en boucle dans sa mémoire, nostalgie d’une rencontre amoureuse déçue. On ne saura pas si Ori s’est inventé un souvenir écran ou s’il est allé réellement à Turin…

Claudine Castel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Les deux films sont des fictions. Par ailleurs, Yossi Aviram a réalisé 3 documentaires longs métrages : Deux vieux garçons (2010), The Polgár Variant (2014), Il était une fois... Le Procès de Viviane Amsalem (2016).


Il n’y a pas d’ombre dans le désert. Réal : Yossi Aviram ; sc : Y.A, Valéria Bruni-Tedeschi & Alexandre Manneville ; ph : Damien Dufresne ; mont : Thomas Marchand. Int : Valéria Bruni-Tedeschi, Yona Rozenkier, Germaine Unikovsky, Jacky Berroyer, Roni Alter, Merav Shirom (France-Allemagne-Israël, 2021, 101 mn).



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