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Inondation (l’) (1993)
de Igor Minaiev
publié le mercredi 28 février 2024

par Hélène Romano
Jeune Cinema n°232, juin 1995

Sélection officielle du Festival de Locarno 1994

Sorties les mercredis 3 mai 1995 & 28 février 2024


 


Igor Minaiev, qui avait été remarqué à la Quinzaine des réalisateurs pour son film Rez-de-chaussée (1990), nous offre maintenant une adaptation du roman de Evgueni Zamiatine (1884-1937, dont le projet naquit justement lors de sa rencontre avec Isabelle Huppert à Cannes.


 

L’Inondation, le livre, date de 1929. Deux ans après l’avoir écrit, Evgueni Zamiatine s’exilait en France, où il écrivit pour Jean Renoir le scénario des Bas-fonds (1936), d’après Maxime Gorki. Sa haine du communisme, tel qu’il s’annonçait en Russie, se manifeste à plusieurs reprises.


 


 

Située à Petrograd, dans la foulée de la révolution d’Octobre, l’histoire d’un jeune couple sans enfant s’inscrit dans le contexte de la houle des événements : les défilés multitudinaires avec slogans et drapeaux, les assassinats des nouveaux prêtres, les pillages des églises, ainsi que et débordement symbolique de la Neva emportant tout sur son passage.


 


 


 

Sophia, engluée dans le désir d’être heureuse et le regret de ne pouvoir donner à son époux l’enfant qu’il désire, a recours à un plan de substitution. Mais l’invitation à la jeune voisine orpheline, Ganka (Macha Lipkina) de venir habiter sous leur toit, pour remplacer cet enfant en quelque sorte, dégénère, et les rires provocants de l’adolescente envahissent bientôt la maison. La vie du couple, qui se désagrège.


 


 

Misère, solitude de Sophia, carnage, accomplissement d’un destin tragique, tandis que l’inondation, au dehors, emporte tout. L’annonce d’un enfant, venu trop tard, sera un clin d’œil sarcastique du destin.


 


 

Isabelle Huppert incarne, en russe, le rôle de cette femme abandonnée. Son jeu, intériorisé, enfermé, correspond à l’enfermement extérieur, et, surtout, son regard vide, à la fin, est impressionnant. Boris Navrozov, à ses côtés, semble monolithique.


 


 


 

La composition générale rend tout à fait l’opacité des situations - ruissellements de pluie sur les vitres, vapeurs d’eau du bain ou de la cuisine, univers confiné, en opposition avec le vaste mouvement du fleuve dans la seconde partie. La photo de Vladimir Pankov y est pour beaucoup. Mais hormis quelques éclats de couleur et les scènes animées des voisines, on ressent l’absence de relief de cette uniformité.


 


 

On peut l’interpréter comme l’expression voulue d’une histoire humaine s’inscrivant dans le cours inaltérable du temps et des éléments, ou, au contraire, d’une histoire dont tout sentiment humain serait estompé au profit d’un implacable destin. La forme, précise, nous laisse dans le flou.

Hélène Romano
Jeune Cinema n°232, juin 1995


L’Inondation (Navodneniye). Réal : Igor Minaiev ; sc : Jacques Baynac d’après l’œuvre de Evgueni Zamiatine ; adaptation et dialogues de Bernard Stora ; ph : Vladimir Pankov ; mont : Noëlle Boisson & Cristiana Tullio-Altan ; mu : Anatoli Dergatchev ; déc : Vladimir Mourzine & Ilya Amoursky ; cost : Emma Begliarova. Int : Isabelle Huppert, Boris Nevzorov, Svetlana Krioutchkova, Maria Lipkina, Andreï Toloubeïev, Natalia Egorova
Vladimir Kuznetsov, Aleksey Zaytsev, Fyodor Valikov (France-Russie, 1993, 99 mn).



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