home > Films > Chroniques de Téhéran (2023)
Chroniques de Téhéran (2023)
de Ali Asgari & Alireza Khatami
publié le mercredi 13 mars 2024

par Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

Sélection officielle Un certain regard du Festival de Cannes 2023

Sortie le mercredi 27 décembre 2023


 


C’est une tragicomédie, une sorte de poème dont chacune des strophes (une dizaine) relate le dialogue d’un citoyen de bonne foi avec un interlocuteur buté, en voix off, chargé par une institution d’assurer la régularité des procédures.


 

Un nouveau père vient déclarer la naissance de son fils (il faut dire que sa femme et lui voulaient l’appeler David), une mère scrupuleuse habille sa petite fille pour la rentrée des classes (il ne s’agit pas qu’elle soit indécente), une jeune femme conteste une contravention, une autre cherche son chien, un travailleur vient retirer son permis de conduire, un chômeur qui a le profil requis répond à une annonce, encore faut-il qu’il connaisse les piliers de l’Islam et simule ses ablutions de façon crédible…


 


 


 

Des sous-entendus flottent. Pour récupérer son permis le conducteur doit montrer ses tatouages, oui, tous, pour vérification de leur moralité. La postulante, très réservée mais jeune, s’enquiert de l’emploi qu’il s’agit de pourvoir et la réponse est évasive : "L’entreprise travaille le béton, votre mission, on en parlera, mais êtes-vous mariée ou avez-vous un ami, venez près de moi, buvez donc ce jus d’orange".


 


 

Un réalisateur demande une autorisation de tournage : "C’est un bon scénario, mais le titre, ’Tuer les mots", serait à améliorer, et la violence conjugale du père, le parricide, nuisent à la qualité de ce vraiment bon travail" - là, on sent le vécu des discussions avec le ministère de l’Orientation islamique qui délivre ou non les permis de filmer. C’est une récréation, raillant le dogmatisme absurde bloquant les démarches les plus simples, quand la plupart des grands films iraniens montrent plutôt l’intelligence et la sensibilité des citoyens malgré la dictature. On ne s’identifie pas aux figurants, mais les impasses cocasses opposées par des commis sans délégation nous disent quelque chose.


 


 

Le film a été tourné en une semaine, se substituant à des projets plus ambitieux n’ayant pas franchi la censure. Le format d’une guirlande de courts-métrages semble mieux passer la censure iranienne que les longs métrages compte-tenu du volume de la production, notamment pédagogique. C’est le format qui avait permis à Mohammad Rasoulof de tourner Le diable n’existe pas, en 2020.


 


 

À Cannes, une trentaine de personnalités iraniennes soutenant le mouvement "Femme, Vie, Liberté" (1) sont venues épauler la présentation du film, nous rappelant les mots d’ordre des "filles du soleil", lors de la présentation du film de Eva Husson en 2018 (2).

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "Jin, Jiyan, Azadi" est un slogan politique kurde, repris dans l’ensemble de l’Iran en persan, au cours des manifestations de 2022 qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini.

2. "Les Filles du soleil" de Eva Husson, Jeune Cinéma n°388-389, été 2018.


Chroniques de Téhéran (Ayeh haye zamini) aka Terrestrial Verses. Réal, sc : Ali Asgari et Alireza Khatami ; ph : Adib Sobhani ; mont : Ehsan Vaseghi. Int : Sadaf Asgari, Gohar Kheirandish, Hossein Soleimani, Majid Salehi, Farzin Mohades (Iran, 2023, 77 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts