À Rome, juste après la guerre, Delia (incarnée par la réalisatrice Paola Cortellesi) reste une mère de famille qui obéit à son mari Ivano, et qui le sert ainsi que son beau-père. Marcella, sa fille, elle, sert ses frères. Delia fait quelques travaux de couture et son métier d’infirmière doit rester compatible avec ses missions familiales principales.

La guerre est finie, les GI ne parlent qu’anglais mais recherchent quelques échanges avec les "indigènes", quelques mots contre un peu de chocolat ou un petit service pour un juste règlement de comptes.

Une amie au marché, Marisa, des voisines sur la place, la vie publique grouillante, la beauté… c’est l’Italie en noir et blanc, ambiance années 50, les 3 enfants dans la même petite chambre, le patriarche largement installé. Marcella commence à "fréquenter" : un garçon bien italien lui aussi, très souriant, mais d’une famille enrichie au marché noir, encore trop sûre d’elle et non repentie.

Un jour, le facteur distribue le courrier et tend solennellement une lettre à Delia. Ça alors ! Une lettre pour elle ? Elle l’ouvre, incrédule, se sentant transgressive, elle est bouleversée. Peut-être un message de ce mécanicien sympathique qui a compté dans leur jeunesse et qu’elle vient de recroiser furtivement mais intensément ? La vie, les baffes, les tangos reprennent, illustrant superbement ces bals de danses à deux : c’est ça qu’on aime dans le film, il n’y a pas des bourreaux et des victimes, il y a des rôles sociaux, dont il faut trouver les moyens de s’émanciper sans trop abimer ce à quoi on tient.

Delia développe des projets secrets, pour elle, mais aussi dans l’intérêt de sa fille. Il ne s’agit pas seulement d’un rendez-vous… Et c’est la force collective des femmes unies, fortes et calmes sur les marches de la Mairie qui, une première fois, contiennent l’homme, Ivano, le pauvre homme…

Si ce film a fait 5.5 millions d’entrées en Italie depuis sa sortie en octobre 2023, c’est peut-être que c’est une comédie qui sonne juste pour la majorité, bienveillante dans sa carricature pittoresque de comportements privés patriarcaux, archaïques comme illustrations de mœurs communes dans une société qui ne se renie pas, mais qui s’apprivoise, sur fond de belles chansons : Nessuno mi pùo giudicare… Paola Cortelesi est la digne héritière de Dino Risi, Mario Monicelli, Ettore Scola, Vittorio de Sica, elle chante juste. Contradictions des intérêts de classes, de genres, d’ethnies : ce n’est pas sur la place des femmes que Elly Schlein s’oppose à Giorgia Meloni (1).

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Elly Schlein a été élue Secrétaire du Partito Democratico (centre gauche) en février 2023. Elle est la première femme à ce poste. Giorgia Meloni est Présidente du Conseil des ministres depuis 2022 (extrême droite).

Il reste encore demain (C’è ancora domani). Réal : Paola Cortellesi ; sc : P.C., Furio Andreotti & Giulia Calenda ; ph : Davide Leone ; mont : Valentina Mariani ; mu : Lele Marchitelli. Int Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Romana Maggiora Vergano, Emanuela Fanelli, Giorgio Colangeli, Vinicio Marchioni, Yonv Joseph, Francesco Centorame, Raffaele Vannoli (Italie, 2023, 118 mn).