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Rouge comme le ciel (2006)
de Cristiano Bortone
publié le mercredi 20 mars 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°333-334, automne 2010

David di Donatello Awards 2007.
David Giovanni

Sorties les mercredis 6 octobre 2010 et 20 mars 2024


 


En adaptant à l’écran la jeunesse de Mirco Mencacci, un des ingénieurs du son les plus talentueux d’Italie, Cristiano Bortone nous offre un film tout public, particulièrement réussi et magique. En montrant la genèse d’un art et d’une vie, hélas amputée par un stupide accident qui va rendre l’enfant aveugle, il nous offre à la fois de l’espoir et revient aux origines du son, expliquant par l’image comment on peut voir l’invisible, en écoutant les bruits de la Nature et en les enregistrant pour les restituer par un montage savant. Préférant souvent les images, la bande sonore et le travail de l’ingénieur du son paraissent souvent laissés pour compte par les critiques et par les spectateurs. Rouge comme le ciel leur rend hommage.


 


 

Mirco perd la vue à l’âge de 10 ans et va se retrouver dans un institut spécialisé de Gênes, loin de la douceur de vivre de son village, de l’amour de ses parents et des séances de cinéma dont il était fan avec son père. Cristiano Bortone tisse ici une histoire quasiment universelle qui parle d’amour, de ténacité et de solidarité.


 

Par un hasard tel qu’il en survient souvent, mais qu’on ne sait pas toujours exploiter, Mirco va découvrir un magnétophone qui va transformer sa vie. Alors que l’institut, religieux et rigide, tenu par la main de fer d’un directeur lui-même malvoyant et borné, ne propose aux enfant que des métiers subalternes de tisserand ou de standardiste, Mirco, avec l’aide d’un prêtre, de la préposée à l’entretien et surtout de la fille de la gardienne va tenir bon et réaliser son rêve.


 


 


 

Récompensé dans de nombreux festivals (1), notamment le Grand Prix du festival du film pour la jeunesse de Montréal, Rouge comme le ciel, sans jamais paraître moralisateur est fait pour enchanter les enfants qui y verront matière à tenir bon, à ne pas abandonner leurs rêves et surtout à faire face à l’adversité.


 


 

"Et si on fermait les yeux nous aussi ?" s’est exclamée une jeune spectatrice du festival Itinérances d’Alès. C’est exactement ce qu’on pense en voyant ce film, notamment dans ce magnifique passage où, alors qu’ils sont juchés sur un arbre, Mirco explique à son nouveau camarade aveugle de naissance, ce que sont les couleurs, d’où d’ailleurs le titre mystérieux du film.


 

Hommage aux voyelles de Arthur Rimbaud, à la Toscane, au cinéma de Federico Fellini et de Giuseppe Tornatore, Rouge comme le ciel s’inspire sans doute aussi de Antoine de Saint-Exupéry, qui, dans Le Petit Prince, faisait dire au renard : "On ne voit bien qu’avec le cœur, le reste est invisible pour les yeux." Ici, se déroule pourtant sous nos yeux, la démonstration brillante de ce que serait le monde sans qu’on puisse le voir, seulement s’en souvenir ou l’imaginer. Sur ce thème qui n’aurait pas déplu à Socrate, le film propose des pistes pour comprendre le monde, d’où l’allégorie du colin-maillard et du spectacle de fin d’année scolaire auquel les parents assistent les yeux bandés.


 

Pour une fois, le son est roi et les enfants aveugles et malvoyants du film font le mur de l’institut, comme dans un film de François Truffaut, pour aller assister à la projection d’un film comique. C’est sans doute une des plus belles leçons de ce film qui nous dit en substance de ne jamais désespérer et de voir l’invisible avec ses oreilles et son cœur.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°333-334, automne 2010

1. En 2006 : Würzburg International Filmweekend. En 2007 : Durban International Film Festival, Montréal International Children’s Film, Festival Ghent International Film Festival, Hamburg Film Festival, Isfahan International Festival of Films, Palm Beach International Film Festival. En 2008 : Sydney Film Festival, São Paulo International Film Festival, European Youth Film Festival of Flanders.


Rouge comme le ciel (Rosso como il cielo). Réal : Cristiano Bortone ; sc : C.B., Paolo Sassanelli, Monica Zapelli ; ph : Vladan Radovic ; mont : Giancarla Simoncelli ; mu : Ezio Bosso. Int : Francesco Campobasso, Luca Capriotti, Marco Cocci, Simone Colombari, Alessandro Fiori (Italie, 2006, 90 min).



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