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Affaire Abel Trem (l’) (2023)
de Gábor Reisz
publié le mercredi 27 mars 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection Orrizzonte de la Mostra de Venise 2023

Sortie le mercredi 27 mars 2024


 


Pour son troisième long-métrage, après deux films non conventionnels remarqués - Inexplicable Reason en 2014 et Bad Poems en 2018 -, Gábor Reisz, qui avoue ne pas savoir se situer politiquement avec précision, revient avec cette "Affaire Abel Trem," purement inventée mais qui aurait pu être vraie.


 


 

Abel Trem est un ado amoureux, un peu paresseux qui va passer son bac au moment où, en 2023, la police réprime brutalement des manifestations de lycéens protestant contre l’état du système scolaire hongrois, et notamment un projet de loi réduisant l’autonomie des enseignants. Avec des parents hyper protecteurs qui ne rêvent que de réussite pour leur fils, dans leur petit appartement d’intellectuels, où le frigo est souvent détraqué, alors que lui n’a d’yeux que pour sa copine dont il est fraîchement amoureux, Abel n’a aucune envie d’aller passer son bac.


 


 


 

Il s’y rend malgré tout et va déclencher sans le vouloir, ni le prévoir, une tempête politico-médiatique qui secouera même le petit monde politique hongrois peu réputé pour ses idées progressistes. Tout cela parce qu’il est allé passer son oral d’histoire-géo en arborant une cocarde patriotique. Il mettra sur le compte de ce signe politique son échec à l’examen et tout sera bouleversé rapidement et presque inexorablement.


 


 

Gábor Reisz raconte que, lycéen, il a subi une pression familiale comparable à celle de son héros. Il avait 18 ans, il était amoureux, et il était incapable de prendre une décision sur son avenir.


 

Rares sont les cinéastes hongrois, raison de plus pour se pencher sur ce film à la fois drôle, inventif, presque underground et politique malgré lui. C’est une réflexion certes sur le mensonge, mais bien sûr sur les réseaux sociaux et les fake news qui se sont abattus irrémédiablement sur tous les pays du monde.


 


 

Petit budget certes, mais grandes idées et belle intuition puisqu’ils ont choisi "une approche de type Dogma" : lumière naturelle, pas de mouvements de caméra, décors aussi réels que possible, de la souplesse, et la possibilité d’improviser. Sans tomber ni dans la caricature, ni dans une peinture politique de la société et la politique hongroises, le film de Gábor Reisz et de la scénariste Éva Schulze, et graphe à toute l’équipe, est une belle réussite qui ne se départit jamais de cet humour proche de l’absurde, et d’une ambiance propre aux ex-pays socialistes qui faisaient le charme des films de l’Est à l’époque.


 


 

C’est la re-création d’un univers à la fois traditionnel et complètement fou. Même les décors archi-réalistes de Zsófia Tasnádi, les vêtements de Rebeka Hatházi et l’image quelque peu passée de Kristóf Becsey, jouent à rappeler ces années, dont plus personne ne se souvient vraiment et qui marquaient d’un sceau un peu ringard le socialisme d’État. Pourtant il n’en est plus rien maintenant en Hongrie, passée depuis vers un libéralisme nationaliste tenu par la présence de Viktor Orbán.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe


L’Affaire Abel Trem (Magyarázat mindenre). Réal : Gábor Reisz ; sc : G.R. & Éva Schulze ; ph : Kristóf Becsey ; mont : G.R. & Vanda Gorácz ; mu : G.R. & András Kálmán ; déc : Zsófia Tasnádi ; cost : Rebeka Hatházi. Int : Gáspár Adonyi-Walsh, István Znamenák, András Rusznák, Rebeka Hatházi, Krisztina Urbanovits, Lilla Kizlinger, Eliza Sodró, Dániel Király, Gergely Kocsis, Tamás Fodor (Hongrie-Slovaquie, 2023, 152 mn).



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