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Quelques jours pas plus (2023)
de Julie Navarro
publié le mercredi 3 avril 2024

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024

Sortie le mercredi 3 avril 2024


 


Le regard d’Arthur Berthier (Benjamin Biolay) sur la condition de réfugié est bouleversé lorsqu’il reçoit un coup de matraque d’un CRS lors de l’évacuation d’un camp de migrants, il comprend la raison d’être de l’association Solidarité-Exilés dirigée par la séduisante Mathilde (Camille Cottin). Celle-ci lui suggère d’ailleurs d’héberger, "quelques jours pas plus", Daoud (Amrullah Safi), un jeune réfugié afghan. Mais Arthur, critique rock passionné de musique, après un comportement un peu emporté dans une chambre d’hôtel, est relégué par son patron aux rubriques d’informations générales. Il va donc réaliser un reportage sur l’association de Mathilde.


 


 


 

La réalisatrice Julie Navarro a, au long de sa carrière, multiplié les expériences avec une grande ouverture d’esprit. Dans ce premier long métrage, elle porte un regard nouveau sur l’engagement citoyen et le combat permanent face à la demande d’asile pour les réfugiés. Sans apitoiement, avec distance et respect de l’individu et une belle intelligence de vision, elle met en avant le sérieux de la tâche et la nécessité d’agir.


 


 

Le film est adapté du roman De l’influence du lancer de minibar sur l’engagement humanitaire de Marc Salbert, avec qui elle écrit le scénario. Par l’intermédiaire de sa mère, journaliste à RFI, qui accueille des migrants africains, elle a acquis les qualités de dévouement et d’écoute qui lui permettent d’assurer vérité scénaristique et authenticité des dialogues (et des silences), face aux situations délicates de l’exil dont l’issue n’est jamais dictée mais souvent le fait du hasard. Contrairement aux nombreuses œuvres traitant du militantisme social, Julie Navarro réalise grâce à la présence sympathique et chaleureuse des acteurs, un film juste, (et romanesque, car il y est question aussi de sentiments amoureux), révélant un beau travail d’épure, des plans sobres ajoutant à la narration la véracité d’un filmage quasi en direct. Ses images sont belles, cadrées sur les visages pour mieux saisir les sentiments de désarroi, de fatigue ou de joie intérieure.


 


 

Le couple Camille Cottin / Benjamin Biolay est superbe. Deux personnalités aussi fortes que vulnérables, dont les voix apportent une sensibilité vivante, modulant leurs expressions par d’infimes détails dans le regard, évoquant une situation rude, plaisante, poignante, tel l’adieu bref et intense à Daoud sans effusions inutiles.


 


 

La réalisatrice expose la cause humanitaire telle qu’elle est véritablement, pour certains une vocation, pour d’autres un dévouement extrême qui ne s’arrête pas à "quelques jours pas plus", mais s’installe en eux, occupe leur vie, parfois jusqu’à l’épuisement. Cet attachement à la cause humanitaire, cette volonté de venir en aide à autrui atteint l’existence et la trouble d’autant de réflexions, d’enthousiasme, de fierté que de découragement et de lassitude. En cette période où la répression de l’immigration s’aggrave, le film de Julie Navarro se charge d’une dimension importante.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°427-428, mars 2024


Quelques jours pas plus. Réal, sc : Julie Navarro ; sc : Marc Salbert, Marc Salbert d’après son roman De l’influence du lancer de minibar sur l’engagement humanitaire (2015). ; ph : Sylvestre Dedise ; mont : Julia Grégory ; mu : Arnaud Rebotini. Int : Camille Cottin, Benjamin Biolay, Arimka Safi, Loula Bartilla Basse, Hippolyte Girardot. (France, 2023, 104 mn).



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