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Vieil Homme et l’Enfant (le) (2023)
de Ninna Pálmadóttir
publié le mercredi 3 avril 2024

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle du Festival du film international de Toronto 2023

Sortie le mercredi 3 avril 2024


 


Malgré son titre qui reprend celui - très célèbre - de Claude Berri (1), ce premier long-métrage de l’Islandaise Ninna Pálmadóttir attire l’attention par son étude précise et empathique d’une nouvelle relation entre un homme âgé et un petit garçon à l’ère du soupçon de pédophilie généralisé.


 

Lorsque Rúnar Rúnarsson, le réalisateur, entre autres, du court-métrage Sparrows (2015), termine l’écriture du scénario d’un long-métrage qu’il ne veut pas tourner lui-même, il vient de découvrir le court-métrage Paperboy de Ninna Pálmadóttir (2019). Il demande alors à sa productrice de le mettre en relation avec elle pour qu’elle le réalise. Celle-ci est très touchée dans la mesure où elle se retrouve dans l’univers du réalisateur. Son court métrage, Paperboy suivait aussi un jeune livreur de journaux, et, dans un autre court métrage, Allir Hundar Deyja (Tous les chiens meurent, 2020), elle avait mis en scène une personne âgée solitaire à la campagne. "Le personnage de Rúnar était différent bien sûr mais ses deux protagonistes avaient tous les deux la même curiosité du monde. Nos histoires partageaient la même sensibilité je crois", dit-elle. Rúnar Rúnarsson laissera carte blanche à la réalisatrice pour qu’elle tire à soi ce scénario dont elle fera une histoire à la fois touchante et profonde.


 


 


 

Gunnar est un vieil agriculteur, exproprié de sa ferme car elle doit être inondée en raison de la création d’un lac artificiel. Il laisse tout derrière lui, même son ami cheval. Il est obligé de trouver un logement en ville où il va se lier d’amitié avec un livreur de journaux de dix ans malgré leur différence d’âge et parce que les parents de l’enfant sont séparés. Cette rencontre sera déterminante à plusieurs niveaux.


 


 


 

Dans le film de 1967 de Claude Berri, légèrement autobiographique, l’enfant est juif, se prénomme Claude et, pour qu’il échappe à la Gestapo, on le place dans une famille près de Grenoble, où il fera la connaissance de Pépé très antisémite, interprété par Michel Simon, qui réapprendra la bonté et la douceur grâce à ce petit enfant dont il ignore la judéité. Il s’agit d’une narration un peu semblable dans le film de Ninna Pálmadóttir, non parce que l’homme âgé doit réapprendre la douceur parce qu’il est naturellement bon, mais parce que le film raconte une situation qui n’est pas aisée à vivre, ni à mettre en scène : la rencontre entre deux personnes d’âges différents et qui ne sont liées par aucun lien de parenté.


 


 


 

"Le film est un récit d’apprentissage pour les deux protagonistes : Ari, dont les parents sont séparés et qui doit mûrir très vite ; Gunnar, qui repart à zéro, car il doit réapprendre à vivre après avoir quitté la ferme familiale", déclare la réalisatrice. On peut dire en effet que les deux personnages que tout oppose (l’âge, la situation familiale, le niveau social, etc.) se complètent parfaitement. L’un apprend de l’autre, et vice-versa notamment en matière de musique, du jeu d’échecs, du langage. Cet équilibre aurait pu se poursuivre sans la suspicion des parents lorsque Gunnar, un soir qu’Ari est arrivé tout trempé à cause de la pluie, l’a aidé à se changer pour qu’il ne s’enrhume pas.


 


 


 

Ninna Pálmadóttir qui a travaillé aux USA avec de grands studios et, au Danemark, avec l’équipe de Oblivon et de Game of Thrones, (2) nous livre pourtant ici un film sans effets spéciaux, utilisant la caméra à l’épaule pour éviter la monotonie des plans d’intérieur où il ne se passe presque rien, et la lumière de Dušan Husár. Et, bien sûr, le talent de l’acteur de théâtre, Thröstur Leó Gunnarsson, dans le rôle du vieil homme, et du petit Hermann Samúelsson dans le rôle d’Ari, à qui elle a demandé d’être le plus naturel possible. Et c’est réussi.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma en ligne directe

1. Le Vieil Homme et l’Enfant de Claude Berri (1967), avec Michel Simon et Alain Cohen (Ours d’argent à la Berlinale 1967).

2. Oblivion de Joseph Kosinski (2013) ; Game of Thrones, série télévisée créée David Benioff & Daniel Brett Weiss (2011–2019).


Le Vieil Homme et l’Enfant (Einvera). Réal : Ninna Pálmadóttir ; sc : Rúnar Rúnarsson ; ph : Dusan Husár ; mont : Ivor Sonje ; mu : Petur Thor Benediktsson ; déc : Gus Olafsson ; cost : Arndís Ey Eiríksdóttir. Int : Thröstur Leó Gunnarsson, Hermann Samúelsson, Anna Gunndís Guðmundsdóttir (Islande-Slovaquie-France, 2023, 75 mn).



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