Après La Danseuse en 2016 (1) ou l’évocation de la vie de Loïe Fuller, ce second film intitulé du prénom de la jeune femme interprétant Clémentine Delait (Nadia Tereszkiewicz), célèbre femme à barbe mariée à un boulanger de Thaon-les-Vosges, met en scène leur vie tumultueuse et amoureuse.
En 1964, le film dramatique et sombre de Marco Ferreri, Le Mari de la femme à barbe, inspiré de la vie de Julia Pastrana, incarné par Annie Girardot, était le reflet d’une vision monstrueuse du monde. À l’inverse, le film de Stéphanie Di Giusto présente un personnage d’une luminosité et d’un esthétisme rayonnants, toujours paré d’étoffes et de frou-frou, dévoilant un visage angélique.

Forte de son destin, face à elle son mari, incarné par le robuste Benoît Magimel, semble d’une fragilité rare et sensible. Elle mène la danse dans le village et dans le café, c’est elle qui dirige les finances et la vie du couple. Cette inversion des caractères entre le mari introverti et la femme à barbe, belle et plutôt masculine, revêt quelque chose de fascinant, notamment la possibilité de regard sur une situation inhabituelle, non-conformiste et provocante dans la société puritaine et quelque peu cruelle de l’époque.

Là où siégeaient le rejet et l’horreur de la femme-singe, l’humain-animal à exhiber dans les foires chez Marco Ferreri, ce film en dépit de quelques détestations, est dans l’acceptation du fait. La beauté surnaturelle de Rosalie en fait un personnage hybride, sujet à toutes les interprétations, digne des qualités d’intelligence et d’amour.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "La Danseuse", Jeune Cinéma n°374, été 2016.

Rosalie. Réal, sc : Stéphanie Di Giusto ; ph : Christos Voudouris ; mont : Nassim Gordji Tehrani ; mu : Hania Rani. Int : Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel, Benjamin Biolay, Guillaume Gouix, Gustave Kervern, Anna Biolay (France-Belgique, 2023, 115 mn).