home > Films > Pendaison (la) (1968)
Pendaison (la) (1968)
de Nagisa Oshima
publié le vendredi 13 avril 2018

Texte annonce
par Nagisa Oshima
Jeune Cinéma n°42, novembre-décembre 1969

Sélection de la Quinzaine des réalisateurs 1969

Sorties les mercredis 24 septembre 1969 et 18 mars 2015


 


Selon un sondage du ministère de la Justice, 71% sont pour le maintien de la peine de mort et 16 % contre.
Au Japon, s’opposer à la peine de mort est impopulaire.

Les Japonais approuvent la peine de mort.
Mais les 71 % qui l’approuvent ont-ils assisté à une exécution ? Ont-ils vu le lieu de l’exécution ? Non !
Mais ils trouvent normal qu’une personne meure pour en avoir tué une autre. Cet argument n’est vrai qu’en apparence.

La Pendaison. Ce film est basé sur le crime du Coréen Jun U Lee qui, dit-on, a tué, en 1958, une lycéenne. Malgré une demande de recours en grâce, Jun fut exécuté. Nous estimons que ses réflexions restituent avec acuité la pensée de la jeunesse japonaise d’après-guerre. C’est pourquoi nous avons choisi le cas de Jun U Lee.


 

J’ai imaginé que l’exécution échouait pour le faire revivre et le supplicier à nouveau. Mais quel crime a-t-il commis ? On a voulu le tuer en le persuadant de la nécessité de sa mort. C’est ainsi que nous avons imaginé un personnage, R., plus fictif que Jun U Lee, qui, lui, est mort dans la réalité.

En posant le problème de la peine de mort, nous accusons l’État qui nous menace.
Et il ne faudrait pas croire que ce raisonnement est gratuit. En persuadant R. qu’il est R., les fonctionnaires se livrent au ridicule.
Et, dans le comique, ce n’est que la vérification de notre conviction profonde. Tous, vous rirez. Mais vous éprouverez un pincement au cœur. Nous avons reconstitué fidèlement le lieu de l’exécution et l’exécution elle-même.

J’ai essayé de savoir si vous accepteriez encore la peine de mort. Bien que nous soyons dans un cinéma d’art, nous ne faisons pas d’art. Ceci n’est pas du cinéma. Nous faisons un film comme nous travaillons, comme nous manifestons dans la rue. Vous devez voir ce film avec le même esprit que lorsque vous vous amusez, vous travaillez ou que vous aimez ou détestez quelqu’un.
Voir ce film doit être pour tous une action.

Pourquoi l’État a-t-il le droit de tuer légalement, pourquoi ce droit de tuer existe-t-il ?
Nous refusons d’être condamnés à mort.

La guerre profite à l’État exterminateur.
Tant que de telles guerres existeront, nous refusons de mourir.
Tant que l’État existe, tout est permis.
Car l’État, c’est le crime, et, en nous, il n’existe pas.
L’État est coupable, nous sommes innocents.
C’est pour dire ça que nous avons fait ce film.

Nagisa Oshima
Texte annonce de La Pendaison (1968)
Jeune Cinéma n°42, novembre-décembre 1969

* Cf. aussi "Entretien avec Nagisa Oshima", Jeune Cinéma n°42, novembre 1969.

** Cf. aussi, "La Pendaison. Découverte d’une œuvre" Jeune Cinéma n°42, novembre-décembre 1969.


* La Pendaison (Kōshikei). Réal : Nagisa Ōshima ; sc : N.O., Mamoru Sasaki, Tsutomu Tamura & Michinori Fukao ; ph : Yasuhiro Yoshioka ; mont : Keiichi Uraoka ; mu : Hikaru Hayashi. Int : Kei Satō, Fumio Watanabe, Toshirô Ishido, Masao Adachi, Rokkō Toura, Hosei Komatsu, Masao Matsuda, Akiko Koyama, Do-yun Yu, Nagisa Ōshima (Japon, 1968, 117 mn).



Revue Jeune Cinéma - Mentions Légales et Contacts