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Gente de bien (2013)
de Franco Lolli
publié le samedi 4 avril 2015

Retour sur Gente de bien (1) et le cinéma colombien

par Jacques Pelinq
Jeune Cinéma en ligne directe

Semaine de la critique Cannes 2014

Sortie le mercredi 18 mars 2015

Gente de bien (2) illustre parfaitement le tournant que prend le cinéma colombien depuis quelque temps.

De jeunes cinéastes surgissent, tous passés par l’université chez eux, ou à la Femis, ou à Londres ou aux États-Unis, ou, surtout, à San Antonio de los Baños (à Cuba), dans l’école fondée, entre autres, par Gabriel Garcia Marquez (1927-2014). (3)

Il y a, en Colombie, de plus en plus de films, courts ou longs, donc une chance de trouver de plus en plus de bons films. De deux ou trois par an, dans les années 90, on frôle la trentaine aujourd’hui.

Il convient d’ajouter à cela une loi sur le cinéma, datant de 2003, qui a structuré le domaine, en organisant une aide qui n’est pas seulement du saupoudrage, et le recours systématique à la coopération internationale, principalement espagnole et française.


 

Gente de bien est aussi un film sensible, important pour ceux qui s’évertuent à combattre les clichés tenaces. Tout en nuances, il déstabilise les tenants cartésiens du blanc et du noir.
Chanter les neuvaines à Noël, tout le monde le fait, des plus humbles qui prennent le car pour aller rejoindre la famille, aux plus aisés, qui montent dans leur 4X4 et se rendent, comme ici, dans la finca, (4) à 1500 mètres d’altitude, pour trouver un peu de chaleur et se réunir en famille. En Provence jadis, on chantait de la même façon devant la crèche, pauvres et riches, mécréants et croyants honnêtes. Ni critique ni sarcasme donc chez Lolli, mais un bel exemple de sa capacité à retrouver ses émotions d’enfant.
Juste un petit coup de griffe, pourtant, à ces adultes (un homme bien sûr), les yeux rivés sur son mobile, alors que les enfants sont en train de chanter. Moment de grâce, le seul du film, où on peut parler de ferveur familiale.

Lolli n’annonce pas la révolution.


 

Lui, le bourgeois, sait comment fonctionnent les relations sociales, et il les met à nu.
Les relations interpersonnelles aussi, il les connaît : la violence touche tout le monde, aussi bien les fils de famille, que cet Eric, pauvre, qui peut faire preuve d’une très grande violence physique, comme dans ses propos à l’égard de la mater familias. (5). Le père d’Eric, lui, ressent un très grand malaise, se sent décalé, déclassé, mais il n’est pourtant pas dans la rebellion, plutôt dans l’acceptation de son état.


 

Lolli n’en fait pas un drame.
Père et fils s’en retournent chez eux, dans un plan final rappelant The Kid bien sûr. L’important étant qu’ils se soient retrouvés.


 

Brayan Santamaria, l’enfant, est un jeune acteur étonnant, découvert, il y a quatre ans, dans un feuilleton télévisuel qui fut un très gros succès populaire (6)

On peut noter, dans ce nouveau cinéma colombien, dans ces films de jeunes cinéastes, une paresse un peu inquiétante, due peut-être à la légèreté du matériel de filmage, qui aboutit, assez souvent, à une moindre recherche dans la construction des plans. Et il y a, souvent aussi, une trop grande facilité à suivre les personnages de dos…

Mais, en général, il faut admirer la maîtrise des sujets et des narrations.
Par exemple, dans Gente de bien, la grande habileté à revenir au sujet après la tension (scène de la piscine), ainsi que la fluidité du récit, pour décrire des situations émotionnelles très complexes.

Jacques Pelinq
Jeune Cinéma en ligne directe (avril 2015)

1. Le film se joue encore, à Paris : MK2 Beaubourg, Étoile Saint-Germain-des-Prés, Majestic Bastille, Sept Parnassiens.

2. Cf. aussi l’article de Gisèle Breteau Skira dans Jeune Cinéma n° 364, hiver 2015.

3. Inaugurée le 15 décembre 1986, l’École internationale de cinéma et de télévison de San Antonio de los Baños (EICTV) est considérée comme une des meilleures écoles de ce type au monde. Elle a été fondée par le Colombien Gabriel Garcia Marquez, l’Argentin Fernando Birri, et le Cubain Julio García Espinosa, pour accueillir des étudiants et des professionnels d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie. Depuis sa création, des centaines de cinéastes y ont travaillé, venant d’une cinquantaine de pays.

4. La finca : la ferme, et, par extension, maison de campagne, propriété.

5. Alejandra Borrero, grande comédienne de théâtre et très connue pour ses feuilletons à la télévision).

6. Allá te espero de Herney Luna (depuis 2012) est une des séries favorites et parmi les plus nominées. Le petit Brayan Santamaria y est devenu une vedette.

Gente de bien. Réal, sc : Franco Lolli ; sc : Catherine Paillé ; ph : Oscar Duran ; mont : Nicolas Desmaison. Int : Brayan Santamaria, Carlos Fernando Perez, Alejandra Borrejo, Santiago Martínez, Sofía Rivas (France-Colombie, 2013, 86 mn).

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