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Taxi Téhéran (2014)
de Jafar Panahi
publié le mercredi 15 avril 2015

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sélection officielle de la Berlinale 2015.
Ours d’or.

Sortie le mercredi 15 avril 2015


 


Taxi Téhéran le nouveau film de Jafar Panahi est, par son dispositif radical, son économie de tournage et son existence même, un véritable manifeste. Confronté à un régime qui lui inflige brimades, surveillances et arrestations, le réalisateur, condamné depuis 2010 à six ans de prison avec interdiction de quitter le territoire iranien et de filmer, filme.
L’idée ingénieuse, c’est le taxi, déjà utilisé par Abbas Kiarostami & Lola Frederich pour Taxi Wala (2007), un "studio qui roule" avec décors et personnages, une des caméras sur le tableau de bord. L’autre idée, héroïque cette fois, c’est le sourire de Jafar Panahi au volant, signe inébranlable de son courage, de sa force et de sa confiance.
Son taxi roule à travers Téhéran, dans la poussière et la lumière sèche et blanche de la ville, prenant au passage différentes personnes dont on se doute qu’elles font partie du film, sans en avoir cependant la certitude.


 

Est-ce vrai ou faux, est-ce un documentaire ou une fiction ?
Entrent en scène : une femme voilée défendant la tolérance, un voleur à la tire réclamant la pendaison des délinquants, un accidenté de la route et sa femme éplorée, un revendeur de DVD interdits, un étudiant cinéphile, deux dames superstitieuses, une amie avocate des droits de l’homme, portant une brassée de roses, et la petite-nièce du réalisateur qui tente de tourner un film "diffusable et sans noirceur".


 


 


 

Et c’est bien contre cela que lutte Jafar Panahi, un cinéma diffusable sans noirceur, lui qui signe un film sans générique, clandestin, rempli d’humour et de gravité. Au danger de filmer, il oppose des astuces : une double équipe, trois caméras dissimulées à l’intérieur du taxi, le montage chaque soir des images tournées le jour.


 


 

Au travers de mises en scène parfois cocasse, telles les dames aux poissons rouges, ou tragique, la tête ensanglantée sur les genoux de l’épouse en larmes - un véritable tableau de Géricault - hurlant sa détresse, sachant qu’au décès de son mari elle perdra tous ses droits, tout est dit de la société iranienne, prise entre paranoïa et résistance.


 

Car règnent toujours l’angoisse quotidienne face aux enlèvements d’enfants, la crainte de s’exprimer, la peur d’être empêché de travailler, de penser, d’exister. Et dans ce Taxi Téhéran, c’est un monde vivant, une humanité à fleur de peau, des émotions partagées et nourries qui s’exposent et se répondent. Les visages saisis de près dans l’espace exigu ont quelque chose du cadrage pictural, portrait de groupe ou portrait de famille.
Taxi Téhéran est un espace protégé, grouillant de vie, un lieu de liberté qui traverse la ville de Téhéran sous l’égide de Jafar Panahi, ardent créateur.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe


Taxi Téhéran. Réal, sc, mont, pr : Jafar Panahi (Iran, 2014, 82 mn).



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