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Annecy italien 2015 : Note sur deux films de la marge
publié le lundi 28 septembre 2015

Annecy italien 2015, 33e édition, du 23 au 29 septembre 2015.

par Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe

Voir aussi le palmarès 2015.


 

Cette 33e édition fut un bon cru, et le palmarès nous convient bien : nous aurions récompensé les mêmes films, peut-être pas dans le même ordre.

Nous avons même été agréablement surpris par le discours du Président du jury fiction, Dominique Fernandez : il a dit presque exactement ce que nous avions envie de dire en évoquant deux films non récompensés, mais qui valaient un véritable intérêt. Bien souvent, comme ce sont les failles d’un humain qui donnent à aimer, ce sont les imperfections d’un film qui donnent à penser.

Dominique Fernandez a cité :

* In Guerra de Davide Sibaldi (2014).


 

Sibaldi n’est pas un débutant, qui, tombé dans la marmite à l’âge de 12 ans, a une longue œuvre de courts métrages à son actif, et un premier long métrage, L’estate d’inverno, bien reçu en 2008.
Pourtant, ce second film peut figurer parmi les "premiers" d’un mouvement qui serait - comment dire ? - quelque chose comme "Tous indépendants, tous artistes".
6000, 00 €, des amis, un acteur principal à l’aise dans ses baskets, un sujet à la fois ambitieux et évident (la ville et la nuit dangereuses, les mâles qui ont la rage mais acceptent d’apprendre), cela suffit à faire un vrai film.
Celui-ci, plein de défauts, a peut-être manqué de moyens et de temps, mais il a fait triompher la liberté de filmer.

* Montedoro de Antonello Faretta (2015).


 


 


 

Antonello Faretta, documentariste et photographe de talent, a voulu se coltiner à la fiction. Et, du début à la fin, tout le long du film, on alterne émotion forte et déception, une sorte de plénitude promise et jamais atteinte.

Les émotions viennent du lieu choisi et de ses somptueuses images : Montedoro, Lucanie (3). Mais aussi de l’imaginaire fasciné de Faretta qu’on devine infiniment riche (de la grande race, celle des ruines du Romantisme), dans les images, dans le montage, et même dans un Caruso tout neuf, débarrassé des grésillements de son temps.

Les déceptions viennent du récit mélangé : ni fiction véritable ni documentaire, une zone grise, un no-man’s land brumeux et incertain.
C’est qu’il n’est pas évident de convoquer dans la même fête, les vivants et les morts, et les go-between que sont les fantômes, qui sont bien plus que de simples "revenants". Un essai poétique et personnel sur Montedoro aurait remis à sa place l’Américaine et le passé aurait pu resurgir, libre de toute entrave, comme il convient dans un lieu hanté où la lumière crue du réel n’a pas sa place.

Et l’on se prend à rêver à que savait faire Chris Marker.
Grâce aux mots de la voix off, il conservait les frontières indestructibles entre les mondes - vivants, morts, fantômes -, mais leur établissait d’innombrables passages, où le souffle circulait librement.
C’est une vieille idée qui se balade un peu partout dans les religions ou dans les arts : l’harmonie et l’équilibre entre les mots et les images. Ou pas.
Car entre le no comment sauvage et la parole divine assourdissante, il y a un espace, celui de la poésie.

Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe (septembre 2015)

1. Cf. la chronique de Bernard Nave sur la compétition fiction de Annecy 2015.

2. Cf. Jurys et palmarès Annecy italien 2015.

3. Montedoro est un nom imaginaire pour un vrai village Craco, province de Matera, région de Basilicate, en Italie méridionale. Les réalisateurs italiens ont beaucoup utilisé le village comme décors (notamment Lattuada, Rosi, Lina Wertmüller ou les Taviani). Les réalisateurs étrangers aussi : Mel Gibson, Bruce Beresford, Robert Young, ou le James Bond de 2008, Quantum of Solace de Mark Forster.

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