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Annecy italien 2015, générique de fin ?
publié le lundi 28 septembre 2015

Annecy italien 2015, 33e édition, du 23 au 29 septembre 2015.

par Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe

Grâce à Librinfo74, une pétition est en ligne pour demander le maintien annuel du festival de cinéma italien à Annecy. N’hésitez pas à la signer.


 

Sous la grande affiche de Lorenzo Mattotti (qui crée les affiches de Annecy cinéma italien depuis 15 ans), et entraîné par Millionnaire Blonde, le festival continue jusqu’au mardi 29 septembre 2015.

Mais le samedi soir est toujours consacré à la remise des prix.
Rien n’a tellement changé dans le monde du travail du 20e siècle et depuis Martin Eden : c’est le samedi soir, "après l’turbin" que le travailleur peut veiller.

Donc le samedi soir, à Annecy, tous les fims de la compétition (documentaires et fictions) ayant été présentés aux jurys, (1) les prix peuvent être décernés. Et la cérémonie ne marque pas pour autant la fin du festival, ce qui est, en soi, une bonne chose. Pourquoi diable les compétitions seraient-elles les "fins" (aux deux sens du terme) de toute chose ? (2)

Cette année, dans la belle grande salle de Bonlieu tout rénové - et très beau -, la cérémonie fut un peu spéciale.
Comme à l’ouverture du festival, le mercredi soir, on a parlé de "rumeurs" et de "changements".
Naturellement la salle entière semblait comprendre de quoi il s’agissait, et les malheureux qui l’ignoraient faisaient semblant de savoir pour être dans le coup.

Qui ignore quoi aujourd’hui ?
Nous aurions tendance à répondre "tout le monde ignore tout" (accablé d’infos tendancieuses et contradictoires) et "personne n’ignore quoique ce soit" (branché en permanence au flux d’infos etc.).
En réalité, une telle pensée méconnait deux catégories d’humains, peut-être les plus sages : ceux qui ont choisi de n’avoir ni portables, ni Internet ni la télé d’une part, et d’autre part les étrangers et les passants, ceux qui savent les vertus de la bonne distance.

Revenons salle Bonlieu.

Sur "les rumeurs", on avait eu quelques tracts papier pour signer en ligne la pétition demandant que le festival de cinéma italien d’Annecy reste annuel.
Il était donc question qu’il devienne biennal ? Ou qu’il disparaisse ?
Ni le soir d’ouverture ni celui des palmarès, nous n’avons eu de précisions des officiels. Les micros ne sont pas destinés à la communication démocratique. Sauf quand ils restent ouverts, intempestivement et laissent passer quelques "off the record".

Dans la salle, venues du "poulailler", il y eut quelques interpellations et quelques questions insolentes.
Vaines, évidemment, et demeurées sans réponse.
La langue de bois est en bois dur et ignifugé, et ceux qui la portent confondent souvent la scène (où se dit la vérité) et la tribune (ou s’expose le pouvoir), oubliant que le pouvoir rhétorique est à la fois relatif et éphémère.
Nous aimons le poulailler, c’est là que ça se passe, sur le moment, ou à terme.

Sur "les changements", on a eu ensuite les mots clairs de Jean Gili, qui anime le festival depuis 33 ans. Il considérait - et l’avait dit - que le temps était peut-être venu de passer la main et que ce passage devait se faire dans la douceur et la continuité. Mais il ne fut pas consulté, et tout se fit dans l’opacité et sans lui. "Ce qui est dommage", ajouta-t-il, avec sa sobriété habituelle.

Il était donc question de l’éviction de Jean Gili ?

La salle entière lui fit alors une standing ovation, équivalente de celle qu’elle fit à Ettore Scola, citoyen d’honneur de la ville d’Annecy, qui était venu tout spécialement, avec Sergio Castellito.
Car voilà, le festival de cinéma italien d’Annecy est plus célèbre et plus respecté en Italie par les artistes de renommée internationale que par les élus locaux de la province française en bout de ligne.

Ricanons au passage sur le temps comme il va et vient, et sur l’argent où il va et d’où il vient.
Nombreux sont les sponsors du festival.
Mais le plus joli, le plus civique, le plus significatif est sans doute Volkswagen, fleuron du capitalisme à l’allemande, qui a eu l’élégance de se faire prendre la main dans le sac, et d’exhiber ainsi la philosophie du système général terrien : taux de conscience écologique = zéro, et cela, alors qu’il est sans doute déjà trop tard.


 


 

Tout cecci est à suivre.
Car les standing ovations comme les pétitions, sous des dehors non-violents et extrêmement pacifiques, sont des outils, qui se développent et - qui sait ? - prendront toute leur place et leur pouvoir dans les démocraties à venir. Nous le souhaitons.

Il faut aussi, toujours, revenir au cinéma.
Car il permet toujours de "bondir hors du rang des assassins" comme disait Kafka à propos de l’écriture.

Anne Vignaux-Laurent
Jeune Cinéma en ligne directe (septembre 2015)

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