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Image manquante (l’) (2013)
de Rithy Panh
publié le mercredi 21 octobre 2015

par Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 352-353, été 2013

Sélection officielle Un certain regard au Festival de Cannes 2013

Nomination aux Oscars 2014.

Sortie le mercredi 21 octobre 2015


 


Des boîtes de films rouillées, entassées dans des entrepôts, des pellicules abîmées, des bobines à moitié détruites…
Les premières images semblent faire écho au récent documentaire de Davy Chou, Le Sommeil d’or, qui évoque la destruction par les Khmers rouges des centaines de films réalisés au Cambodge, et qui démontre que toutes ces images manquantes peuvent renaître par la mémoire des survivants.

Le 17 avril 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir au Cambodge.
Rithy Panh a 11 ans. Pendant cinq ans, lui, sa famille et des centaines de milliers de Cambodgiens vont endurer la faim, la souffrance et la peur dans les camps du Kampuchéa démocratique gouverné par l’Angkar ("l’organisation"), entité mise en place par Pol Pot, désignant à la fois personne, tous et chacun.
Le cinéaste perdra ses parents, et fera de cette terrible période le sujet de tous ses films. Ici encore, il revisite ces années noires, mais en choisissant de confronter images d’archives et mémoire individuelle.


 

Il s’éloigne d’une forme documentaire classique, propose une réflexion délicate sur ses amis disparus, sa famille perdue, ses parents regrettés, à l’aide de figurines de terre cuite peintes dans des décors naïfs et stylisés.
Il développe une analyse sensible de cette "fiction" tragique à la première personne sur ces images manquantes que les figurines, confrontées continuellement aux images d’archives, représentent.


 

Très intelligemment, Panh traque, au détour des films de propagande, les images fugaces d’enfants harassés, de regards vides, d’avenues désertées, de corps amaigris, démontrant que, finalement, rien ne peut être complètement caché, nié.
Le flux et le reflux de la vague frappant la caméra qui ouvre et clôt le film représentent bien la métaphore de la mémoire dans sa lutte contre l’oubli.


 

L’Image manquante n’est autre qu’un terrible règlement de compte poétique, apaisé mais implacable, avec les fantômes du passé du réalisateur.

Dans la dernière partie, sa figurine, allongée sur un divan sous un portrait de Freud, convoque, avec une douce ironie, amis et famille comme autant de témoins de sa démarche de cinéaste.
Une image peut disparaître, jamais son souvenir.

Gérard Camy
Jeune Cinéma n° 352-353, été 2013


L’Image manquante. Réal, sc, mont : Rithy Panh ; ph : Prum Mésa ; mont : Marie-Christine Rougerie ; mu : Marc Marder. (France-Cambodge, 2013, 95 mn). Documentaire.



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