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Pas à pas (2010)
de Jean-Dominique Lajoux
publié le samedi 2 janvier 2016

par Nicolas Villodre
Jeune Cinéma en ligne directe


 

Il nous a été donné de visionner le film de Jean-Dominique Lajoux, Pas à pas (2010), sous-intitulé La Véritable histoire du cinéma, qui relativise le rôle de Louis Lumière dans la genèse du septième art et, en tous les cas, met en valeur nombre de chercheurs, de pionniers et d’inventeurs des temps anciens.

Lajoux est réalisateur de documentaires ethnographiques ainsi que de deux essais filmiques traitant de la question "précinématographique" Les Origines du cinéma scientifique (1989, 53 mn) et Étienne-Jules Marey, la mesure du vivant (2000, 8 mn).


 

Au moyen de "salves d’images ressurgies du passé", toutes de grande qualité plastique et historique, reliées à un commentaire énoncé sur un ton docte, il démontre, preuves à l’appui, que le concept de film, la projection d’images en mouvement et même le nom de "cinématographe" ont bel et bien existé avant la "séance publique payante" du 28 décembre 1895 au Salon Indien du Grand Café, date de naissance officielle de celui-ci.
L’abondante matière iconographique réunie pour les besoins de sa thèse, et également pour le plaisir rétinien, mérite d’être remarquée, s’agissant d’un film artisanal, élaboré de longues années durant, à ce jour à notre connaissance inédit.


 

Celle-ci est agencée chronologiquement et thématiquement, ce qui a permet d’éviter la monotonie.

Plusieurs chapitres, d’importance inégale (les travaux de Muybridge (1) et Marey (2) sur la locomotion animale et humaine étant bien plus dans le détail examinés) portent les titres suivants, écrits de la main de l’auteur : Les Jouets optiques, Le Galop du cheval, De la plaque de verre au celluloïd, La Conquête du mouvement, La Projection, Avènement d’une attraction nouvelle, La Saga des brevets, De la chronophotographie au cinéma.

La vivacité du récit est due à la brièveté des saynètes et autres boucles d’images l’illustrant, mesurables en secondes, voire en photogrammes - c’est l’effet "gif" avant la lettre.

Dessins animés et rafales photographiques alternent couleur et noir et blanc.
Certaines bandes avaient dès le départ été conçues pour être musiquées live, comme la "pantomime lumineuse" ou le cartoon de Reynaud ayant sa B.O. signée Gaston Paulin et même synchronisés à leur enregistrement sonore, comme le clip expérimental de 1894 de Dickson.

La voix off d’aujourdhui est mixée aux "mystérieux échos" reproduits et prolongés par le gramophone. Une succession d’appareils et de jouets mécaniques et poétiques - lanterne magique, zootrope, praxinoscope, théâtre optique, kinographe, fusil chronophotographique, phonoscope, etc. - esquisse un petit musée du cinéma.


 


 

Ces ingénieux dispositifs ont permis de créer des images de tous formats et supports. Certaines ont été, pour la première fois, numérisées, réanimées, présentées.
Le résultat nous a paru techniquement et esthétiquement convaincant.
Les séquences défilent à leur plus juste cadence et s’enchaînent sans discontinuer, un léger gel sur la dernière de la file fluidifiant l’écoulement.

Les auteurs de ces bandes nous sont bien sûr familiers : Joseph Plateau, Émile Reynaud, Eadweard Muybridge, Étienne-Jules Marey, Georges Demenÿ, Thomas Edison, William Dickson, Lumière, Méliès...

Lajoux revient, comme l’avait fait Jean Painlevé, sur le précurseur Louis Aimé Augustin Le Prince, qui avait breveté un appareil dès janvier 1888, deux ans avant de disparaître mystérieusement du paysage après avoir pris un train pour Paris en gare de Dijon.


 

Il nous montre les essais de William Friese-Greene ainsi que les magnifiques scènes filmées par les frères Eugen et Max Skladanowsky qui anticipent celles de deux autres fameux frangins : Auguste et Louis. (3)

Nicolas Villodre
Jeune Cinéma en ligne directe (décembre 2015)

1. Eadweard Muybridge (1830-1904))

2. Étienne-Jules Marey (1830-1904)

3. Plus d’infos.

Pas à pas (La Véritable histoire du cinéma). Réal : Jean-Dominique Lajoux ; images originales restaurées et mises en mouvement par Jean Dominique Lajoux ; mont : Marc Éliel Chouraqui ; mu : Sarah Éden et Marianne Guette ; avec les voix de Gérard Coumryantz, Éric Chantelauze, Olivier Jankovic, Radek Klukowski et Dominique Lajoux (France, 2010, 55 mn). Documentaire avec la participation du laboratoire Digimage et du Centre national du Cinéma.

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