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Hellman, Monte (1932-2021) (e)
Entretien avec Lucien Logette & Bernard Nave (2003)
publié le mercredi 21 avril 2021

Rencontre avec Monte Hellman
À l’occasion de la rétrospective Hellman au Méliès de Montreuil

Jeune Cinéma n°287, janvier-février 2004


 


Jeune Cinéma : Au début, vous avez travaillé pour le théâtre. Qu’est-ce qui vous a amené à passer au cinéma ?

Monte Hellman : Je crois que j’ai toujours eu le cinéma présent à l’esprit, mais je n’avais pas la possibilité de me lancer. Comme j’aimais aussi le théâtre, j’ai pensé que c’est là que je pourrais faire carrière. Il y a des salles de théâtre, des compagnies partout. J’avais étudié le cinéma avant même de me lancer dans le théâtre. Lorsque j’ai terminé ma licence à Stanford University, je me suis inscrit en cinéma à UCLA et j’ai suivi les cours pendant un an et demi. Ensuite j’ai passé quatre mois en Europe avant de terminer ma maîtrise. Et puis, on m’a offert un emploi dans une troupe de théâtre qui montait une nouvelle pièce chaque semaine.

J.C. : Le premier film que vous avez fait a été produit par Roger Corman. Quelle a été son influence sur votre façon de travailler ?

M.H. : Il m’a appris que Hollywood est obsédé par les budgets, alors que lui pensait que ce n’est pas important. Quand je travaillais avec lui, Roger ne faisait jamais de budget. Il me disait : "Voilà, tu as tant d’argent. Reviens quand tu auras fini".

J.C. : Comment avez-vous rencontré Corman ?

M.H. : À cette époque, ma femme était actrice et jouait dans certains de ses films. Aussi nous sommes devenus amis. Il investissait de l’argent dans une compagnie de théâtre que j’avais. J’avais monté, entre autres choses, En attendant Godot. Nous avons été expulsés de notre salle car le propriétaire l’a transformée en cinéma. Roger m’a dit : "C’est un signe du Destin".

J.C. : Avant de travailler sur The Terror, avez-vous participé à ses adaptations de Edgar Poe ?

M.H. : Non. Avant, j’avais fait un film intitulé Beast from Haunted Cave, aussi incroyable que cela puisse paraître. Ensuite j’ai travaillé sur trois autres films qu’il a vendus à la télévision et qu’il fallait rallonger de 60 à 70 minutes pour qu’ils puissent être diffusés. C’est ainsi qu’il m’a embauché pour écrire, produire et réaliser ces rallonges. Il s’agissait donc de The Terror, Beast from Haunted Cave, Creature from the Haunted Sea et The Last Woman on Earth.

J.C. : Comment se répartissait le travail sur les films de Roger Corman ?

M.H. : Il choisissait un réalisateur qui faisait tout.

J.C. : Quel a été son apport principal pour votre travail de réalisateur ?

M.H. : Il m’a appris qu’on pouvait faire un film quel que soit l’argent dont on dispose. Et à travailler vite.

J.C. : À Montreuil, vous avez déclaré que la première phase de votre travail consistait à réécrire les scénarios. Sur quels critères ?

M.H. : Je ne pense pas avoir des principes pré-établis. Je retravaille les scénarios jusqu’à ce que j’aie la certitude que ça aboutirait à un film que j’aurais envie de voir. La première fois, ce fut sur Beast from Haunted Cave et c’était un travail qui m’avait été demandé par Corman. Il avait engagé un autre scénariste, Charles Griffith, pour reprendre le scénario, je me suis adjoint à lui, et j’ai réalisé cette nouvelle version.

J.C. : Diriez-vous que les limitations budgétaires ont aussi influencé votre façon de réécrire les scénarios ?

M.H. : Pas vraiment, car les premières versions étaient écrites avec ce souci d’économie. Sur Two-Lane Blacktop, le scénario original existait déjà, était vendu et le travail de réécriture consistait à l’améliorer à mes yeux. Je n’ai jamais pensé en termes de budget à ce moment-là. Très souvent, j’ai été amené à tout reprendre dans les scénarios de départ.

J.C. : La vision de vos films donne l’impression d’une grande économie narrative. Ainsi, au début, le passé des personnages semble n’avoir aucune importance. Vous les plongez directement dans le présent.

M.H. : Ce n’est que lorsque j’ai terminé le travail de réécriture que je décide ce que je vais éliminer au début et à la fin.
Dès ma première expérience, sur Beast from Haunted Cave, ce que j’avais tourné au début du scénario ne se retrouvait pas dans le film terminé. Ensuite, je suis parti du principe qu’il vaut mieux procéder à ces coupes avant le tournage. Avec des budgets limités, il vaut mieux économiser à ce stade-là. Et je préfère commencer mes films, autant que faire se peut, au moment où la question principale apparaît.
Parfois, comme dans Two-Lane Blacktop, on a tourné des choses qu’ensuite nous avons éliminées, car l’enjeu principal du scénario n’apparaissait que trop tard. Même après avoir écrémé les détails, il restait des choses que nous devions garder pour mettre en place les personnages. Expliquer les personnages ne me semble pas important, leurs motivations par contre le sont. Les choses doivent apparaître dans le cours du film. Les personnages ne doivent pas parler pour le spectateur. Ils doivent dire ce que la situation impose dans la vie.

J.C. : Ce principe d’écriture des dialogues se manifeste de manière à la fois intéressante et étrange dans Cockfighter, avec ce personnage qui ne parle jamais et dont on découvre à la fin qu’il est capable de parler. Est-ce pour vous un cas exemplaire ?

M.H. : Pas nécessairement. Ce personnage m’était donné. Malheureusement, j’ai été obligé d’utiliser des techniques qui me déplaisent, comme le flashback, par exemple, dans lequel il faut expliquer pourquoi il ne parle pas. Et c’est probablement le seul que j’aie jamais fait.

J.C. : Malgré votre statut de marginal dans le cinéma américain, vous avez eu recours aux genres : le western, le film d’horreur, le road movie, etc... Quel est votre rapport aux codes de ces genres ?

M.H. : Pour moi, la notion de genre a toujours été associée au cinéma. J’ai vu des films de genre dans ma jeunesse. Je ne vais pas facilement voir un drame familial, à moins que je sache qu’il a été réalisé par Ingmar Bergman. Pour Two-Lane Blacktop, je n’ai jamais pensé en termes de genre car le genre road movie n’existait pas à ce moment-là. Pour moi, c’était un film de courses de voitures. En travaillant sur mes deux westerns, je ne cherchais pas à briser les codes du genre. Nous voulions changer certaines attentes qu’impose le genre. Non pas pour cultiver la différence, mais pour que le spectateur soit un peu surpris. Très fréquemment, si le film vous conduisait à tomber amoureux d’un personnage, c’était le signe que ce personnage allait être tué.
Avant de les tourner, nous avons pensé à nos westerns préférés comme source d’inspiration. Nous avons revu Stagecoach (La Chevauchée fantastique), Shane (L’Homme des vallées perdues), My Darling Clementine (La Poursuite infernale) et One-Eyed Jacks (La Vengeance aux deux visages).

J.C. : Pour revenir à Two-Lane Blacktop, quels étaient vos rapports avec la contre-culture de l’époque ou avec des écrivains comme Jack Kerouac ?

M.H. : Je crois que je n’avais pas lu Jack Kerouac, mais je connaissais Alan Ginsberg. Ce que je sais, c’est que j’aimais porter des sandales. Ma façon de me démarquer se manifestait par cette excentricité. Lorsque j’ai rencontré la décoratrice qui a travaillé avec moi quand j’ai monté En attendant Godot, je portais déjà des sandales.

J.C. : Dans Two-Lane Blacktop, lorsque les personnages s’arrêtent, il y a toujours en arrière-plan des gens qui représentent les minorités (Indiens, latinos). Souhaitiez-vous insister sur la réalité sociale américaine ?

H.M. : Je n’y ai jamais pensé. Ces gens existaient. Nous avons tourné dans des décors réels et les gens qui se trouvaient là apparaissent à l’écran, sans qu’ils se rendent compte qu’ils étaient filmés. L’une des scènes auxquelles vous faites référence, celle où Laurie Bird (la Fille) demande de l’argent aux passants, a été tournée avec une caméra cachée.

J.C. : Cela donne un aspect très documentaire au film.

H.M. : C’est une des raisons pour lesquelles j’aime tourner en décors réels. Le film est plus qu’une histoire, c’est aussi un document sur un endroit précis, à un moment précis.

J.C. : Est-ce que vous connaissiez James Taylor et Dennis Wilson (du groupe des Beach Boys) avant le film ? Pourquoi ce choix de deux chanteurs plutôt que celui d’acteurs professionnels ?

M.H. : Je ne les connaissais pas auparavant. J’avais vu la photo de James Taylor sur un panneau d’affichage, une publicité pour son premier album. C’est son visage qui a attiré mon attention. Je ne connaissais pas ses chansons, qui d’ailleurs n’étaient pas encore populaires. Son premier succès fut Fire and Rain, pendant que nous tournions le film. En ce qui concerne Dennis Wilson, je l’ai rencontré plus tard. On avait auditionné un grand nombre de personnes. Je ne l’avais pas vu et le responsable du casting l’avait éliminé.

J.C. : Vous avez découvert deux acteurs importants : Jack Nicholson et Warren Oates. Commençons par le premier. En voyant cette rétrospective, nous avons remarqué combien il a évolué au cours de vos films, jusqu’à ce que l’on voie, dans The Shooting, le Nicholson que nous connaissons depuis. Avez-vous perçu cette évolution dans son jeu ?

M.H. : Je me suis rendu compte qu’il évoluait en tant qu’acteur. Pas tellement dans sa personnalité, mais dans son rapport à son travail d’acteur. La façon dont je travaille avec les acteurs consiste à découvrir leurs qualités en tant que personnes, à les faire émerger pour qu’elles enrichissent les personnages qu’ils interprètent. Pour moi, l’acteur passe avant le personnage, à l’inverse de la manière de travailler de nombre de réalisateurs. L’un des défauts de Jack Nicholson, au début, provenait de ses difficultés à dire son texte de manière naturelle. C’est dans ce domaine que j’ai le plus cherché à l’aider.

J.C. : Quel type de collaboration avez-vous entretenu avec Warren Oates ?

M.H. : Pour moi, Warren Oates était tout de suite un acteur accompli. Au-delà de quelques mots que nous avons échangés au début du tournage de The Shooting, je ne crois pas que j’aie eu besoin de lui dire quoi que ce soit. Nous nous comprenions sans avoir besoin de nous parler.

J.C. : À propos de China 9, Liberty 37 : êtes-vous satisfait de ce film ?

M.H. : Ma plus grande satisfaction fut ma rencontre avec Fabio Testi. C’est un acteur et une personne extraordinaires. C’est un ami de longue date. J’ai eu l’occasion de retravailler avec lui et je le referai volontiers. Ce fut pour moi l’un des tournages les plus agréables. L’équipe italienne y était pour beaucoup. Ils étaient heureux et ce bonheur était communicatif. Nous logions dans un hôtel dont nous étions les seuls clients. Le soir on allait aux cuisines et on faisait de la pasta, un vrai régal. Mais je ne pense pas que ce soit mon meilleur film. Je crois que China 9 m’a permis d’aborder l’érotisme. Et pourtant il y a des choses qui ne me plaisent pas. D’abord le fait que certains acteurs devaient être doublés, ce qui pour moi n’est pas un mode de travail très satisfaisant. Je ne regrette pas le fait d’avoir créé un personnage qui est un héros, mais je crois que je l’ai rendu trop sentimental, que j’ai réagi trop fortement à ce que j’avais fait précédemment. Et même si j’aime un rythme plutôt lent, ici, ça l’est un peu trop.

J.C. : Il n’y a pas beaucoup de scènes érotiques dans vos films. Nous avons trouvé que dans Two-Lane Blacktop la scène où le chauffeur attend devant la chambre du motel pendant que les deux autres font l’amour, ou la dernière scène dans Iguana lorsque vous vous concentrez sur le visage de l’actrice, sont bien plus fortes.

M.H. : Je suis tout à fait d’accord. Dans mon travail de réalisateur, la plus grande partie de mon temps est consacré à la découverte. Vous disposez de certains matériaux, parmi lesquels il y a les acteurs. Maru Valdivieso, l’actrice de Iguana, est une actrice merveilleuse, aussi, je n’avais pas besoin d’autre chose que de son visage.

J.C. : Dans votre travail de réécriture et de tournage, comment traitez-vous l’émotion ?

M.H. : En premier lieu, ce qui compte le plus pour moi c’est ce que je ressens. Si je suis ému par quelque chose, j’espère que le public le sera aussi. Mais je suis incapable de prévoir ce qui va émouvoir un public si je ne suis pas ému en premier lieu. C’est le principe qui me guide à la lecture d’un scénario, lors de la réécriture. L’émotion constitue la chose la plus importante dans l’expérience que représente le cinéma. Je cherche à partager ce que je ressens. En ce moment j’enseigne le cinéma à USC (University of South California). Les étudiants ne réagissent pas de la même manière que moi par rapport à ce qui me touche.

J.C. : Qui était Laurie Bird ? Était-elle actrice ?

M.H. : Non. Elle était mannequin. Lors d’un séjour à New York, j’avais contacté des agences de mannequins pour trouver une fille de seize ans. Elle en avait dix-sept au moment du tournage de Two-Lane Blacktop.

J.C. : Vous avez donc créé une actrice.

M.H. : Non, je ne crois pas. Elle possédait en elle toutes les qualités nécessaires. Elle n’avait pas eu l’occasion de les manifester. Elle était adorable. Elle a joué dans deux autres films. Elle aurait pu jouer dans Missouri Breaks, mais elle avait disparu et ils ne l’ont pas retrouvée à temps.

J.C. : Lors de la rétrospective de Montreuil, vous avez mentionné Jacques Rivette comme une de vos sources d’inspiration. Quels films de Rivette ?

M.H. : Quand j’ai fait Two-Lane Blacktop, je n’avais vu que Paris nous appartient. J’ai vu les autres depuis. Ce sont certains détails qui m’avaient intéressé. Le sens d’un temps continu, le fait qu’il n’élimine pas des blocs de temps pour sauter d’un endroit à un autre.

J.C. : Vos films auraient-ils été différents si vous aviez disposé de budgets plus confortables ?

M.H. : Oui, il y aurait eu quelques différences. Les budgets dont j’ai disposé ont dicté certains éléments de mon style. Si j’avais eu des temps de tournage plus longs, j’aurais sans doute eu recours à des plans plus traditionnels, j’aurais introduit plus de détails, d’objets.

J.C. : Vous disiez que vous n’aviez pas pu avoir Warren Oates pour Ride in the Whirlwind.

M.H. : Le casting avait été fait en grande partie pour satisfaire les exigences de Roger Corman d’avoir une star qui permettrait de vendre le film plus facilement. Jack Nicholson était incontournable, car il était mon partenaire. Il fallait Cameron Mitchell. Et Warren Oates n’était pas une star.

J.C. : Comment avez-vous travaillé avec le scénariste Rudolph Wurlitzer pour Two-Lane Blacktop ?

M.H. : Lors d’un séjour à New York, nous avons travaillé plusieurs jours sur ce que devrait être le scénario, car il pensait qu’il fallait tout reprendre à zéro. Ensuite, j’ai rencontré Laurie Bird et nous avons enregistré une longue conversation avec elle pour alimenter notre inspiration. Ensuite, je suis retourné à Los Angeles et nous avons continué à échanger par téléphone. Et puis, il m’a envoyé ce long et fascinant scénario. Et contrairement à ma méthode de travail ultérieur, j’ai tourné la totalité du scénario, ce qui a abouti à un premier montage de trois heures et demie.

J.C. : Iguana est tiré d’un roman.

M.H. : Oui. Le personnage vient d’un roman, lequel est basé sur un roman de Herman Melville, lui-même inspiré d’un personnage réel.

J.C. : Il rappelle beaucoup le personnage de Caliban dans La Tempête de Shakespeare. Il y a aussi une réflexion sur le pouvoir. Est-ce que c’est ce problème que vous aviez présent à l’esprit ?

M.H. : Non, pas vraiment. Le script original dont nous disposions était si mauvais que nous ne pouvions même pas envisager de le réécrire. Nous avons donc dû nous tourner vers le roman qu’il a fallu faire traduire. Et puis il y avait pas mal de problèmes techniques à résoudre pour travailler sur ce projet. Notre souci consistait à rester fidèle aux personnages du livre. L’histoire se déroule sur une période de trente ans, il fallait donc condenser. Et le livre ne se termine pas de la même manière que le film : nous n’avons gardé que les deux tiers du livre. Notre choix principal consistait à savoir comment clore le film. À ce point du livre, le personnage principal prend le bébé et le précipite sur les rochers, idée qui ne me satisfaisait pas vraiment. Nous avons donc opté pour une fin plus poétique.

J.C. : Vous semblez accorder beaucoup d’importance au choix des décors réels. Quels types de paysages aimez-vous plus particulièrement ?

M.H. : Après le choix des acteurs, c’est ce qui compte le plus pour moi. J’y passe autant de temps qu’à choisir les acteurs. Pour China 9, Liberty 37, nous avions des contraintes géographiques. Il nous fallait un endroit qui ménageait un certain nombre d’entrées et de sorties. Il faut alors avoir présentes à l’esprit les scènes clés pour le choix du décor et vérifier que tout fonctionnera bien. Il fallait donc tenir compte de toutes ces contraintes logistiques. Pour la bagarre finale, en particulier, nous devions pouvoir disposer les personnages de manière cohérente. C’est un peu comme les préparatifs d’une guerre. Il faut faire des croquis pour s’assurer que tout sera en place. Et puis, il y avait tellement de paysages magnifiques. Mais la question principale n’est pas seulement de savoir si le paysage est beau, mais comment il convient à la scène que l’on va tourner.

J.C. : Pour The Shooting, le paysage est au moins aussi important que les autres éléments de l’histoire. Cela rappelle beaucoup ce que Erich von Stroheim fit à la fin des Rapaces.

M.H. : L’idée de ce désert aride était contenue dans le scénario. Il me fallait donc rendre le décor vraisemblable. L’endroit s’appelle Little Hollywood, car on y tourne un grand nombre de films. Mais ce décor particulier, bien qu’à une heure de distance de notre base était plus proche que l’Arizona. Si la distance des lieux de tournage est trop importante, généralement toute l’équipe est extrêmement réticente. Mais l’endroit était tellement unique à mes yeux que je les ai tous convaincus de faire cet effort. Aujourd’hui, cet endroit n’existe plus. On a construit un barrage qui a tout noyé. De plus, il y avait la couleur du sol, ces nuances de gris tellement étonnantes, presque symboliques, qui donnent l’impression d’être à la surface de la Lune.

J.C. : Avez-vous réalisé d’autres films après Iguana ?

M.H. : J’ai réalisé Better Watch Out, Silent Night, Deadly Night 3 en 1989, et j’ai produit Reservoir Dogs en 1992 (1)

J.C. : Le fait d’avoir participé à des productions à plus gros budgets, alors que vos films ne sont souvent passés qu’à la télévision, vous rend-il amer ?

M.H. : D’une certaine manière, oui. La satisfaction ultime d’un réalisateur consiste à rencontrer le public. Certes, le public existe devant la télévision, mais on ne peut pas sentir sa présence, il n’y a pas son odeur. L’une des sorties les plus enthousiasmantes de Two-Lane Blacktop se produisit à Londres. Le film fut présenté pour la première fois dans une salle périphérique d’Islington. Mon agent y alla les premiers jours et il ne put même pas entrer. Voir des gens faire la queue pour voir vos films est un élément de satisfaction.

Propos recueillis par Lucien Logette & Bernard Nave.
Paris, le 20 novembre 2003.
Traduits de l’anglais par Bernard Nave

* Cf. aussi, "Monte Hellman, une vie une œuvre", Jeune Cinéma n°287, janvier-février 2004.

1. Monte Hellman a réalisé Road to Nowhere en 2010, sélection officielle de la Mostra de Venise 2010.



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