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Lune de miel (2018)
de Élise Otzenberger
publié le mercredi 12 juin 2019

par Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

Sortie le mercredi 12 juin 2019


 


Un jeune couple de Parisiens souhaite se rendre à la commémoration du soixante-quinzième anniversaire de la destruction de la communauté juive du village de Zgierz, d’où est originaire Adam.


 

Le couple, Judith Chemla (Anna) et Arthur Igual (Adam) semble parti pour un périple touristique agrémenté de retrouvailles en amoureux sans enfant, mais la véritable cause du voyage pour Anna est de retrouver la trace de sa grand-mère polonaise. De jeux de mots en quiproquos parfois assez drôles, s’enchaîne une itinérance entre Cracovie et Zgierz, colorée de rêverie et de mélancolie.


 


 

La fiction documentée de Élise Otzenberger déploie avec sympathie et légèreté, une vision plus profonde qu’elle n’en a l’air sur la situation des descendants de déportés, souvent ignorants du passé de leurs parents et grands-parents, et la situation de la Pologne actuelle face à l’antisémitisme renaissant.


 

Cet écart générationnel autorise les jeunes acteurs à interpréter les rôles avec une distance suffisante, et notamment à utiliser des mots d’esprit pour évoquer la Shoah face à la génération des parents, Irène, la mère d’Anna, interprétée par Brigitte Roüan dont la présence rayonne de douceur, d’ouverture d’esprit et de générosité. L’humour pétillant et acide face à la résurgence d’un passé douloureux, agit comme un compagnon d’infortune qui parfois sert d’antidote à la souffrance.


 


 

Élise Otzenberger interroge, à travers les dialogues, le mutisme des parents d’Anna, comme une certaine Pologne face à l’extermination des juifs par les nazis.
À Cracovie, la débauche de business, la vente aux étalages d’étoiles juives et de croix gammées, puis la rencontre au cimetière d’une rescapée de la Shoah, éclairent les motifs du film.


 

Mais ce qui importe le plus à la réalisatrice, c’est de filmer le lieu de la disparition, le lieu de la souffrance, le lieu de la séparation. Ce qu’elle veut montrer à Anna, c’est le lieu de vie et de mort de sa grand-mère. Il lui faut fabriquer "l’image manquante", à l’instar de Rithy Panh, pour la soulager de l’ignorance du passé.
Élise Otzenberger évoque le devoir de mémoire d’une façon à la fois subtile et frivole.
Son film est un remarquable travail pédagogique en direction du grand public.

Gisèle Breteau Skira
Jeune Cinéma en ligne directe

* Ne pas confondre avec Luna de miere (Lune de miel) de Ioana Uricaru (2018).


Lune de miel. Réal, sc : Élise Otzenberger ; sc : Mathias Gavarry ; ph : Jordane Chouzenoux ; mont : Pauline Dairou ; mu : David Sztanke. Int : Judith Chemla, Arthur Igual, Brigitte Roüan, Isabelle Candelier, Antoine Chappey, André Wilms (France, 2018, 88 mn).



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