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Barbin, Pierre (1926-2014)
Une vie, une œuvre
publié le lundi 6 octobre 2014

par Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe


 


Peu de noms ont été autant hués que le sien.
Les manifestants de février 1968 qui réclamaient le retour de Henri Langlois n’avaient que mépris pour le traître, l’imposteur, le laquais de Malraux, cet inconnu malfaisant qui venait d’être nommé à la tête de la Cinémathèque. (1)

L’intérim ne dura que quelques mois, et le pauvre Barbin fut chassé de la "Barbinthèque".
On écrit "pauvre Barbin", car il n’était en rien responsable du renvoi de Langlois, même s’il fut accusé de toutes les magouilles imaginables.


 

Porteur de l’uniforme noir du démon (soupçonné d’être gaulliste, peut-être, parce que résistant et décoré), il ne pouvait peser lourd face au chevalier blanc de la cinéphilie, défendu par toutes les sommités du cinéma mondial.

Il était pourtant loin d’être un inconnu, et encore moins un incapable.
Il avait été le fondateur des Journées du cinéma (1951-1962), ainsi que du Festival international du film de court métrage de Tours (1955-1968) - certainement le festival le plus fertile en découvertes ces années-là. (2)

En 1956, il avait créé les Journées du film d’animation, qui passèrent de Cannes à Annecy, et qui connaissent le succès que l’on sait.

Son bilan est donc loin d’être négligeable.
On peut le dire maintenant : organisateur qualifié, il aurait sans doute pu faire, à la Cinémathèque, le ménage qui s’imposait.

Tous les ouvrages sérieux qui ont été consacrés à l’histoire de la Cinémathèque (Laurent Mannoni, Patrice Olmeta) (3) ont rétabli les faits.
Il avait lui-même tenté de le faire, en 2005 (4).


 

Mais lutter contre les légendes est chose impossible et c’est toujours l’hagiographie qui gagne.


 

Pierre Barbin a disparu le 5 octobre 2014, au moment où le centenaire de Henri Langlois, célébré tout au long de l’année, lance ses derniers feux à Lyon.

Honneur au courage malheureux !

Lucien Logette
Jeune Cinéma en ligne directe

* Cf. aussi : "Cinémathèque française, la contribution de Pierre Barbin", Commentaire n°101.

1. Jean Delmas, fondateur de Jeune Cinéma, outré de la méthode, ne fut pas le dernier à l’impliquer dans une affaire qui le dépassait largement. Cf. son édito dans Jeune Cinéma n°29, mars 1968.

2. Dans son ouvrage, La saga Cinéastes, de notre temps (Paris, Capricci, 2011), André S. Labarthe déclarait : "Un des plus importants festivals de films en France a été le festival de courts métrages et d’animation de Tours. Ses responsables étaient de vrais passionnés : Pierre Barbin, André Martin, Roger Leenhardt, son président. C’était un festival très suivi. C’est à Tours que nous avons découvert le premier film de Jacques Rozier, Blue jeans, l’un des premiers films de Jacques Demy, Le Bel Indifférent, et les courts métrages de Agnès Varda".

3. Laurent Mannoni, Histoire de la Cinémathèque française : l’amour fou du cinéma, Paris, Gallimard, 2006 ; Patrice Olmeta, La Cinémathèque française de 1936 à nos jours, Paris, CNRS Éditions, 2000.

4. Pierre Barbin, La Cinémathèque française, 1936-1986 : inventaire et légendes, Paris, Vuibert, 2005.



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