Les Trois Vies de Rita Vogt de Volker Schlöndorff retrace, d’après un scénario de Wolfgang Kohlhaase, la vie d’une jeune terroriste réfugiée à l’Est. La protection dont elle bénéficie de la part des forces de sécurité cesse brusquement en 1989, quand l’Ouest réclame l’extradition des révolutionnaires.

L’auteur et le scénariste ont respecté les faits, se sont inspirés pour certains motifs de l’histoire authentique d’une réfugiée politique, mais ont créé de toutes pièces le personnage et son caractère. Le film ne joue ni sur l’action ni sur l’analyse d’une idéologie. La tentative d’évasion, qui tourne au meurtre d’un avocat, le séjour à Paris, un intermède à Beyrouth, sont évoqués rapidement, pour mémoire. Le sujet du film est constitué par la décision d’une très jeune femme de "laisser tomber". Elle constate l’échec de l’action violente, tourne la page et vient vivre selon ses convictions dans le pays socialiste le plus proche.

Son évolution est conditionnée par deux rencontres, celle d’une jeune collègue d’usine qui rêve de filer à l’Ouest et se drogue, une relation neuve dans sa tendresse. L’autre élément est l’appui que lui donne un jeune policier de la Stasi, qui lui offre une planque, un métier et une identité d’emprunt.

Le film saisit la vie quotidienne au ras du réel, sans effets de style, sans rhétorique, sans dramatisation. Volker Schlöndorff retourne à ses débuts et au style des années 60. On suit la vie d’une ouvrière, la lente découverte que les gens de l’Est n’ont plus d’enthousiasme politique, qu’une quête pour le Nicaragua ne rencontre que des rires.

Les responsables de la sécurité, un vieux général, qui a dû connaître la guerre d’Espagne et la résistance communiste au nazisme, et son jeune adjoint sont touchés par le courage et la fidélité de Rita. Quand Bonn réclame l’extradition des révolutionnaires et qu’on livre Rita, dont le dossier est connu à l’Ouest, on s’aperçoit, comme les protagonistes, que communiste ou pas, une police reste une police.

Le regard de Volker Schlöndorff sur la vie en RDA n’est pas manichéen, le monde des deux Allemagne n’est pas le monde noir & blanc qu’il est de bon ton de présenter. Son héroïne, quelles que soient ses erreurs, reste fidèle à elle-même.

Andrée Tournès
Jeune Cinéma n°261, avril 2000

* Cf. "Entretien avec Volker Schlöndorff", Jeune Cinéma n°265, décembre 2000.

Les Trois Vies de Rita Vogt (Die Stille nach dem Schuss). Réal : Volker Schlöndorff ; sc : V.S. & Wolfgang Kohlhaase ; ph : Andreas Höfer ; mont : Peter Przygodda. Int : Bibiane Beglau, Martin Wuttke, Nadja Uhl, Harald Schrott, Alexander Beyer (Allemage, 2000, 103 mn).