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Bâtiment 5 (2023)
de Ladj Ly
publié le mercredi 6 décembre 2023

par Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°426, décembre 2023

Sortie le mercredi 6 décembre 2023


 


On attendait Ladj Ly au virage, après son Prix du jury au Festival de Cannes en 2019 et quatre César en 2020, pour Les Misérables (1). Mais force est de constater que l’essai est transformé.
Bâtiment 5 est un très beau film qui radiographie les banlieues françaises et l’état de notre société en plein chamboulement moral et économique. Comme pour son précédent, le film est construit à la manière d’une enquête et d’un portrait d’une communauté.


 


 

Haby, jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l’immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5.


 


 

À travers l’histoire de cette ville pas si imaginaire que ça, le réalisateur, né à Montfermeil et qui y a grandi, a voulu universaliser son propos sans sacrifier à la condamnation ni à l’idéalisation. Des deux côtés, il y a des héros et des lâches, des gens qui se rebellent et d’autres qui se soumettent. "Ce qui se passe dans les quartiers de Montfermeil se passe dans de nombreuses autres villes, en France comme ailleurs. En inventant une ville, je me suis dit que tout le monde pourrait s’y refléter", confirme-t-il.


 


 

Quant au traitement des deux films, d’une certaine façon, ils forment un diptyque. Les Misérables, son premier film, analysait le comportement de la police et de la BAC dans les banlieues françaises, et paraissait un film très masculin dans son fond et sa forme. Bâtiment 5, son second film, aborde plus spécifiquement le logement social et il est plus ouvert aux femmes et à la condition féminine, sans doute parce qu’il s’agit du foyer et de l’intimité.

C’est à travers le personnage de Roger qui connaît tout le monde dans la ville, magouille avec chacun et navigue à vue pour se faire un chemin dans la vie que Ladj Ly a construit en partie Les Misérables. "Des Roger, il en existe dans beaucoup de banlieues, des gens qui sont investis pour leur ville, sans doute avec de la bonne volonté au départ, avant de parfois devenir un élément du système". Dans Bâtiment 5, en opposition, il donne le premier rôle à Haby, une jeune femme radicale et incorruptible. Mais "quelles que soient les intentions initiales de ces personnes, à l’arrivée tout se dilue dans le politique et ses arrangements".


 


 

Et c’est ce qui fait la force du film : le réalisateur ne force pas le trait, ne tombe ni dans la caricature - le maire parachuté et sa famille sont présentés avec leurs défauts et leurs failles, même s’ils se montrent souvent proches de certains immigrés -, ni dans le communautarisme.


 


 

Et il propulse son personnage féminin, à la fin du film, dans une campagne pour se faire élire même sans être sûre de sa victoire, ce qui apporte une note un peu plus optimiste à ce film qui ressemble par moments à un film noir.

Jean-Max Méjean
Jeune Cinéma n°426, décembre 2023

1. Les Misérables, Jeune Cinéma n°395, été 2019.


Bâtiment 5. Réal : Ladj Ly ; sc : L.L. & Giordano Gederlini ; ph : Julien Poupard ; mont : Flora Volpelière ; mu : Pink Noise ; déc : Karim Lagati ; cost : Noemie Veissier. Int : Anta Diaw, Alexis Manenti, Aristote Luyindula, Steve Tientcheu, Aurélia Petit, Jeanne Balibar (France, 2023, 101 mn).



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