Dans les années 80, Arthur (Josh O’Connor), un Anglais intuitif, retourne en Étrurie, sur la côte thyrrénienne, pour se rapprocher de Flora (Isabella Rossellini), la mère de Beniamina, son amour perdu.

Il y retrouve sa bande, les Tombaroli, amateurs et pilleurs de tombes étrusques. Natifs des lieux, ils peuvent deviner les zones des sépultures, mais c’est Arthur qui a le don du sourcier et peut détecter les vides des sous-sols.

Il les amène sur les sites précis abritant encore des amphores, des statues à côté des squelettes apaisés. C’est aussi lui qui est en affaires avec le receleur Spartaco, une sommité locale branchée sur un réseau plus vaste. La police les traque mais ils sont plus vifs. En Italie, c’est le début d’une période de moindre respect pour les préservations du patrimoine culturel et des sépultures, et, avec l’intrusion du marché de l’Art dans le monde des précieuses antiquités, tout ça se vend bien.

Arthur est archéologue, il aime les objets de l’antiquité, mais pas la spéculation. Alice Rohrwacher a souhaité un héros sans racines, qui recherche l’appartenance à un lieu et à un amour. Le pillage des chambres funéraires n’est pas seulement de l’argent facile pour ses copains, mais il est aussi, pour lui, l’exhumation du passé à la lumière de la mémoire.

Tout le monde prend sa place dans le film, les habitants chantent, boivent, dansent, rient, ils se connaissent familièrement mais sans indiscrétion. Ils sont intégrés à leur paysage et à leur histoire. Les villages, les abris biscornus, les paysages, ce sont les terres familières de Alice Rohrwacher qui, comme dans ses deux films précédents, Les Merveilles en 2014 (1), et Heureux comme Lazarro en 2018 (2), se réclame de son attachement à cette région.

C’est un genre de conte de fées, joyeux, italien, dont le titre se réfère à la quête individuelle d’un rêve, la fidélité, l’aventure, la richesse, l’amour. Son film est peut-être le plus singulier et le moins moins griffé de la superbe et réconfortante sélection italienne du festival de Cannes 2023. Mais c’est un très beau film.

Sylvie L. Strobel
Jeune Cinéma n°423, été 2023

1. "Les Merveilles", Jeune Cinéma n°360, été 2014

2. "Heureux comme Lazzaro", Jeune Cinéma n°388-389, été 2018

La Chimère (La chimera). Réal : Alice Rohrwacher ; sc : A.R., Carmela Covino & Marco Pettenello ; ph : Hélène Louvart ; mont : Nelly Quettier ; déc : Emita Frigato ; cost : Loredana Buscemi. Int : Josh O’Connor, Carol Duarte, Isabella Rossellini, Alba Rohrwacher, Vincenzo Nemolato, Yle Vianello (Italie-Suisse-France, 2023, 130 mn).